mercredi 28 janvier 2009

aujourd'hui, une histoire d'enfance et de gnons




Dans ma vie, j'ai eu trois yeux au beurre noir.


Il paraît que c'est pas très commun pour une fille, alors j'ai pensé que je vous expliquerai. Parce que c'est vrai que vous connaissez pas mes parents, alors je tiens quand même à dire que c'était pas de leur faute. Ils m'ont élevé avec tout l'amour du monde et un très petit minimum de baffes, et certainement pas à coups de gnons dans la tronche.


Non, ces yeux au beurre noir
(et soit dit en passant, je hais les gens qui disent "des oeils au beurre noir", je dis aussi "des clins d'yeux" et tant pis si ça vous défrise) je les ai acquis dans la souffrance et la maladresse de mes jeunes années. Ce furent des expériences traumatisantes et des années de tourment, desquelles résultent, notamment, un amour inconditionnel des motards et des pandas.

Mais c'est toujours marrant de rire du malheur des autres, alors je vais vous raconter leurs histoires. Notons qu'elles se déroulent toutes dans un environnement enneigé, je vais vous dégoûter d'habiter dans la montagne.


Le premier oeil au beurre noir a surgi brutalement, à l'aube de mes cinq ans
(trop fort la rime de ouf). Ce jour-là, avec ma soeur, on s'est dit tiens, allons gaiement faire de la luge sur la colline d'à côté d'chez nous. La colline était habituellement l'objet de nos glissades, culbutes, et autres gadins à la Carrie Ingalls favoris. Mais ce jour-là, le soleil traître avait rempli son vile office, et de neige, il n'y en avait nenni.

C'est là que ma soeur a eu une brillante idée : "Eh regarde, y'a encore plein de neige dans la forêt", s'exclama-t-elle avec l'enthousiasme d'un daltonien qui aurait enfin trouvé Charlie, "y'a qu'à aller luger là-bas".


Ah, quelles idées admirables peuvent passer dans la tête des enfants. Ouais, ce serait trop cool de luger sur la pente de la forêt ! Encore plus cool que de jouer aux Pogs, encore plus cool que de regarder Les Années Collège.


On aurait juste à faire s'évaporer les arbres comme les Power Rangers.


Sauf qu'on était pas des Power Rangers.


On a dévalé la pente à la vitesse de l'éclair
(ce qui en transcription enfant-humain doit bien faire dix kilomètres heure), on a percuté de plein fouet un sapin qui n'avait jamais rien demandé à personne, on a cassé la luge en deux, ma soeur a échoué dans un joli bouquet de ronces, et moi, je me suis à moitié empalé l'oeil sur une branche qui passait par là.

C'était le premier de la série, mais pas le dernier.


Le second est arrivé un autre hiver, j'avais huit ans, et c'était le jour où j'ai descendu ma toute première piste noire de toute ma vie entière. Ce qui est un grand accomplissement quand on a grandi dans la montagne.


Donc je descendais en technique de chasse-la-neige, avec mon papa pas loin qui me criait fais des parallèles fais des parallèles, facile à dire quand on sait ce qu'on fait hein. Au final, j'ai réussi un virage, puis deux, puis trois, puis je me suis arrêtée avec les skis en parallèles, quand tu te la pètes bien en envoyant valser de la neige partout.

J'ai crié tu me vois papa t'as vu ce que j'ai fait, je l'ai vu tout au bout de la piste en train de montrer derrière moi en cirant attention Charlotte, alors je me suis retournée.


Maintenant, ce qu'il faut que vous sachiez, c'est que le long de la piste noire, il y avait un tire-fesses qui montait, et qu'il n'y avait aucune barrière entre ledit tire-fesses et les gens qui skiaient, si ce n'est le bon sens. Et je pense que l'aventure précédente a suffi à vous convaincre que, du bon sens, j'en avais pas tant que ça. En conséquence, ce qui faisait gesticuler mon père, c'était de me voir dangereusement proche des skieurs qui montaient tranquillement, concentrés sur leurs pieds pour bien suivre les rainures de la piste.


Je tiens également à préciser qu'il a fallu que la seule perche vide de toute la ligne sur trois kilomètres, il a fallu qu'elle soit là juste quand je m'approchais. Et que juste au moment où je me retournais en disant "hein?", il a fallu qu'elle choisisse ce moment pour prendre un petit élan et courir saluer mon arcade sourcilière.


Si j'avais été un mec, je me serais sautée dessus
(oui, j'ai aussi un amour inconsidéré pour les blessures à l'arcade, mais depuis avant mon oeil au beurre noir). J'avais le sourcil sanglant et l'oeil enflé comme le front d'Igor Bogdanov, et j'ai pu frimer à l'école pendant trois semaines avant que les cellules fassent leur boulot et me réparent (Professeur Flaxou essayé de m'expliquer comment ça marche, mais encore une fois, j'ai pas tout compris. Une histoire dégueu de pus et de peaux mortes).

Et la troisième fois, c'était l'hiver suivant, encore une fois au ski. Cette fois-ci, j'étais sur une piste rouge. La piste rouge finissait avec les tire-fesses (il fallait tourner à gauche pour entrer dans la voie de déccélération pré-tire-fesses). Je suis arrivée à une vitesse super-hypersonique (ce qui en transcription enfant-humain doit bien faire vingt kilomètres heure) et j'ai tourné un minuscule chouia trop tard.

Et donc, un minuscule chouia après la voie de déccélération pré-tire-fesses, il y avait une jolie petite auberge avec un joli petit auvent pour acheter les tickets de ski, avec un joli petit toit soutenu par un joli gros poteau en bois massif.


Ai-je vraiment besoin d'expliquer ce qui s'est passé ? Non, mais je vais le faire quand même.


Emportée par mon allure, et sans doute un peu distraite par un oiseau qui passait dans le coin, j'ai tranquillement foncé vers le poteau à une vitesse qui approchait celle de la lumière (ce qui en transcription enfant-humain doit bien faire trente kilomètres heure), et je l'ai percuté de presque-plein fouet.

C'est-à-dire que mon ski droit l'a percuté avant moi, et puis il s'est cassé en deux, et ensuite c'était moi.


Je me souviens d'un grand choc, d'une lumière blanche, d'un long tunnel apaisant
(non je blague là) et puis d'une douleur sur tout le côté droit de mon visage et du vieux monsieur du tire-fesse qui m'a fait boire un coup de schnaps pour me remonter (c'était un monsieur de la montagne).

J'ai passé la semaine suivante à rassurer l'institutrice que oui, tout allait bien à la maison, et à parader à l'école avec mon troisième, et dernier, oeil au beurre noir.


Depuis, j'ai eu des bleus, des croûtes, des foulures, des cicatrices de guerre grandes comme aç'
(maudits Gilette Vénus à trois lames), mais plus jamais d'yeux au beurre noir.

Mais j'espère bien que le temps des bobos n'est pas encore derrière moi.
Il me reste encore à me casser un os, à être dans une vraie bagarre, à avoir des points de suture, à me péter un ligament, à me faire une entorse, et à me prendre une balle, pourquoi pas.

Parce qu'avec une enfance comme la mienne, ce n'est plus juste de la chance si les yeux au beurre noir sont restés ma plus grande blessure.

C'est juste que je suis incassable.

vendredi 23 janvier 2009

Bob Dylan



Un jour, comme ça, j'ai découvert Bob Dylan.

J'avais une compilation de musiques de film, et dedans, y'avait "Knocking on Heaven's Door". Que j'ai écouté une fois, puis deux, puis cent mille.

Et quelques années plus tard, j'ai découvert qu'en fait Bob Dylan, il avait pas fait qu'une seule chanson, et qu'il était même plutôt connu.

Et encore quelques années plus tard, quand j'ai découvert Wikipedia et que j'ai cherché la biographie de tous mes groupes de vieux rock préférés, j'ai découvert que certaines chansons de Ten Years After, la moitié des chansons des Stones, et presque toutes les chansons d'Hendrix, elles avaient été écrites par Bob Dylan.

Merde, ce mec a inventé la musique, en fait.

D'où ma théorie que la Bible a oublié de mentionner : après avoir crée le ciel, la terre, Adam et Eve, Dieu est directement passé à Bob Dylan, et c'est lui qui a écrit toutes les chansons de toute la terre.

D'où ma quasi-vénération pour Bob Dylan, que j'avais quand même placé sur ma liste "célébrités - j'aurais bien aimé".

Dans la vie, moi j'aime faire des listes. Y'a des gens ils écrivent des livres, ils peignent des tableaux, ils élèvent des autruches, moi je fais des listes. Une liste de lieux qu'il faut que je visite avant que je meure, une liste de gens qu'il faut que j'aille voir en concert avant qu'ils meurent, une liste de gens qui méritent la mort.

Et une liste de gens que j'aurais bien aimé voir en vrai, mais qui sont morts.

Dans cette liste, il y a Tolkien, Churchill, Robert Kennedy, Répine, Pouchkine, Bilibine, Hitchkock, Ray Bradbury, Douglas Adams (en plus lui il est mort y'a pas longtemps alors c'est un peu frustrant), Martin Luther King, Napoléon (juste pour voir s'il était vraiment plus petit que moi), Shakespeare, Jimi Hendrix, Louis Armstrong, George Orwell, Sam Cooke, Bob Marley......et Bob Dylan.

Oui, honte sur moi, jusqu'au mois dernier, j'étais persuadée que Bob Dylan était mort. Charles Aznavour, Gorbatchev, Soljenitsyne, et Valéry Giscard D'Estaing aussi, d'ailleurs. Mes excuses, messieurs.

Depuis, j'ai vu Giscard à la télé, une affiche d'Aznavour en concert, un russe m'a dit que Gorbatchev était toujours vivant, Soljenitsyne est cette fois bien mort hélas, et Bob Dylan, contre toute attente, est en concert à Strasbourg au mois d'avril.

Je pourrais essayer d'expliquer ce que ça fait quand une personne qu'on adule revient soudain d'entre les morts pour donner un concert dans la ville où on habite, mais je pense que vous avez saisi le concept.

Eh ben avec vous, lecteurs, c'est pareil.

Vous êtes une petite centaine à venir ici tous les jours (ou alors vous êtes juste cinq et un cliqueur fou), et je sais par les commentaires qu'il y en a au moins deux qui habitent en Alsace aussi.

Alors j'en profite pour dire à la fille qui me laisse des fois des commentaires avec "Aujourd'hui je t'ai vue mais je suis pas venue te parler" qu'elle m'a fait passer trois nuits presque blanches à essayer de me souvenir des visages de tous les gens que j'ai croisés. Mais tu es folle, fille inconnue ! Tu fais ta Bob Dylan ! Si t'oses pas me parler, maile-moi ta photo, comme ça la prochaine fois j'aurai une chance moi aussi.

Donc j'instaure ici un nouveau commandement : tous les lecteurs qui me croisent un jour, si vous venez me parler, je vous offre un chewing-gum chlorophylle. Et si vous aimez pas ça, je compte les pièces au fond de ma poche et je vous paye un café et un Twix.(et si vous aimez pas les Twix, je veux pas être amie avec vous) Et cette promesse, je m'engage à la tenir, si c'est ça qu'il faut pour vous rencontrer.

C'est que j'ai de moins en moins d'amis, moi, faudrait que je commence à débusquer du gibier frais.


Donc, lecteurs pour l'instant virtuels, s'il vous plaît, ne jouez pas les Bob Dylan avec moi. Montrez-moi que vous existez en vrai, mailez-moi si un jour vous passez en Alsace.

On ira au parc jouer à la bagarre avec des bouts de bois, on ira manger un sandwich CROUS, je vous présenterai Sarah et Professeur Flaxou, ce sera fun.



Et si y'a quelqu'un qui veut venir voir Bob Dylan se relever de la tombe avec moi, je veux bien aussi.

mercredi 21 janvier 2009

aujourd'hui, une histoire épouvantable



Il faut que j'avoue encore un truc.


J'ai avoué pas mal de trucs bizarres et embarrassants sur ce blog : que j'ai appris à nager à quinze ans, que les poissons me terrifient, qu'une fois j'ai mis du beurre dans un cadenas pour mieux tourner la clé dedans, et même qu'à un moment de ma vie, à mon plus grand malheur, j'écrivais "lol" dans mon journal intime.


Y'a aussi beaucoup de choses que je n'ai jamais avouées. Genre que quand je nage dans une piscine j'ai toujours peur des requins, ou que je dis toujours infractus au lieu de infarctus, ou encore qu'une fois, à quinze ans, je me suis forcée à manger des champignons pour ressembler plus à un hobbit (ben j'aime toujours pas ça).


Et là, c'est l'heure d'un autre aveu insoutenable, qui me ronge depuis que j'ai emménagé dans mon appartement.


Mon garage me terrifie.


Et je ne parle pas de "terrifier" genre :


- Hou il fait noir et froid là-dedans, c'est terrifiant.


Les gens qui disent ça, ils sont jamais allés dans mon garage
. Ils savent pas ce que c'est.


Ils savent pas que je dois enlever mes écouteurs de walkman dès que j'entre, parce que sinon, ça me fait encore plus peur en imaginant qu'un monstre abominable peut se glisser derrière moi sans que je l'entende.
Ils savent pas ce que ça fait de parcourir les quelques mètres jusqu'au garage à vélo avec la peur au ventre, dans le noir, aux abois, en entendant le vent qui souffle à tes oreilles et la gouttière qui fuit, et les gouttes qui tombent sur le sol en béton en faisant des gros ploc, avec le vélo qui fait ses ticticitcitci genre "bonjour je suis glauque" à tes côtés.

Et ça c'est rien. Le pire, c'est dans l'entrée du garage, quand je fixe les ténèbres où transparaissent juste des cadres de bicyclettes rouillées dont les propriétaires ont sûrement tous mystérieusement disparus. Je regarde là, j'imagine à peu près un zombie tapi dans chaque coin (et des coins, y'en a un paquet), je calcule approximativement le temps qu'ils mettraient à m'atteindre en prenant en compte leur état de décomposition retardé par l'hiver et le gémissement qu'ils pousseraient avant de venir à ma poursuite (en me basant sur l'hypothèse que c'est des zombies lents, sinon je suis foutue de toute manière). Et puis je me rappelle que je suis nulle en calcul, et là, je panique.


Et c'est à ce moment que j'ai une envie foudroyante de me retourner. Juste comme ça.


T'as jamais vu les films d'horreur ? C'est toujours pile à ce moment que l'héroïne très belle malgré la pluie se fait assassiner sauvagement. Elle est dans un endroit glauque, il se passe rien, mais elle a envie de mourir alors ça l'emmerde un peu. Là elle se dit tiens si je me retournais brusquement en faisant "Han !" il se passera sûrement quelque chose. Elle se retourne, crac, elle est morte avec tous les boyaux arrachés et la moitié du visage tronçonné, et personne l'a vu venir.


Donc j'essaye de lutter contre l'envie de me retourner, parce que je suis pas une pomme non plus. (Et en plus je suis aussi très belle malgré la pluie, tout pareil.)


A la place, je cliquette des genoux jusqu'à un mur, je me bats avec mon cadenas rouillé (oui mais je l'ai payé cher il y a trois ans alors je ne céderai pas à la pression mercantile) en jetant furtivement des regards droite-gauche à travers mes cheveux, genre personne me voit. Et en général le garage est vide, donc effectivement, personne me voit.


Tiens, ça aussi c'est louche. Franchement, on est quatre immeubles à se partager ce garage, et tous les immeubles font dix étages. Il est tellement immense que j'ai pas vu toutes les sorties de secours, ce qui est inadmissible en temps normal, mais comme j'ai peur de faire tout le tour du garage dans le noir, on va dire que je fais une exception. Et pourtant, j'ai quasiment jamais vu un seul humain là-dedans.

Ce qui prouve que je suis toute à fait saine d'esprit et que tous les autres gens ont peur d'y aller, ou alors ils se sont déjà tous fait manger.


Donc forcément, dès qu'il y a une présence vaguement humaine, genre un bruit de pas ou une porte qui claque, j'ai tendance à me figer le long du mur et à découper la poche de mon manteau avec mon cutter tout en hurlant vous m'aurez pas motherfuckers.


Je voulais dire tout ça parce que hier soir, alors que je venais de gagner le match contre mon cadenas et que je sentais une super présence zombie dans le coin-tout-noir-derrière-moi, j'ai frôlé la mort.

Je vous disais que c'était pas des conneries.


Bon, c'était peut-être juste un gamin qui s'était caché derrière une voiture et qui a hurlé Bouh quand je suis passée à côté de lui, et peut-être effectivement que j'ai maintenant un ulcère qui va me ronger à petit feu en plus d'un infarctus (merci Word le Magnifique) massif qui me guette à chaque descente dans le garage (et à chaque hamburger, mais c'est moins romantique).


Moi, je persiste à dire que c'était un agent des ténèbres vachement bien déguisé.


Ces gens-là sont très forts.

dimanche 11 janvier 2009



L'article est une réponse à celui-là.


Ah, Sarah, comme je te comprends.

Vivre sa vie à travers les livres, oh, oh, comme je comprends tout ça....


On dirait pas, hein ? On me voit aujourd'hui, et je lis des gros bouquins par des mecs morts congelés en Russie y'a trois cent ans, ou des bouquins à prix Nobel, et je dis ah mais ouais c'est le talent acharné de l'écrivain, la puissance des figures de style-an.


Mais c'est faux. Les livres que je lis aujourd'hui sont beaux, ciselés comme des bijoux, magnifiquement ouvragés, un délice de l'écriture travaillé au millimètre, calibré comme un diamant Cartier.


Mais ce n'est pas "Lolita" qui m'a fait aimer les livres, et ce ne sera pas "Guerre et Paix" qui marquera ma mémoire et ma vie à jamais.


Et j'en ai lu, des livres. J'ai toujours été une boulimique de savoir depuis toute petite, et pourtant, des centaines qui sont passés entre mes mains, je n'en garde qu'une poignée.

Mais ceux-là, ils me font des trous dans le ventre dès que j'y pense, ils me retournent les tripes, ils font bondir mon cœur.


"L'appel de la forêt". J'étais en pleine période Jack London, c'est normal, j'avais onze ans. Mais ce livre-là, c'est le premier qui m'a fait vraiment réfléchir, au-delà des mots. C'est le premier livre que j'ai lu d'un point de vue qui n'était plus tout à fait enfantin. Ce n'était plus seulement l'histoire du chien-loup qui m'intéressait, mais, au-delà, l'histoire de ses maîtres. C'est avec ce livre-là que j'ai enfin pu mettre des mots sur ce que j'avais ressenti pendant toute ma sixième. C'est ce livre qui m'a fait découvrir qu'il y avait une face sombre aux belles histoires.


"A la croisée des mondes". Ou la trilogie qui a bouleversé ma vie d'ado. Jamais je n'ai autant relu un livre. Je finissais le tome trois, j'essuyais mes larmes, je reprenais le tome un, et tout recommençais. Douze fois, entre treize et quinze ans, et j'aurais voulu que ça ne s'arrête jamais. Je lisais des heures durant, et, à force, je connaisais chaque mot à l'avance. Je les murmurais, je les projetais sur les murs de ma chambre, je tissais une toile d'incantations au coeur de laquelle je me nichais, et mon dieu, qu'est-ce que c'était bien.


J'ouvrais le livre et j'étais Lyra, j'avais un daemon près de moi, un être qui faisait partie de moi, et j'oubliais que je me détestais.


J'avais Will, ou la plus belle histoire d'amour qu'on puisse imaginer, et j'oubliais que je n'intéressais personne.


Et je n'étais jamais, jamais seule.


A l'époque, j'espérais tellement que lorsque le dernier chapitre allait arriver, la fin serait différente. Mais aujourd'hui, je réalise que c'est bien cette fin qui m'a fait accepter le fait que la vie ne va pas toujours dans le sens qu'on désire. Et huit ans après, en relisant le dernier tome, j'ai pleuré dans ma chambre de Moscou comme si j'étais encore Lyra, comme si c'était encore à moi que tout ça arrivait.


"Le Seigneur des Anneaux". Impossible de décrire le choc que j'ai eu en le lisant pour la première fois. L'impression que pendant des années, j'avais été debout dans une pièce sombre, et qu'on venait d'y tailler une fenêtre. L'impression que je pouvais partir en vacances, fuir la réalité dès que je le voulais, et me réfugier dans un monde où le choix était simple et où les alliés étaient puissants, où la lutte était inévitable, mais profondément juste.


"Fahrenheit 451". Juste après Orwell et Huxley, je pensais que ce ne serait rien de nouveau. Société totalitaire, monde contrôlé de partout, autodafés sur le barbecue.

Et puis non.

Et puis juste la plus grande claque depuis plusieurs années.

C'est l'un de ceux que je relis le plus volontiers, parce qu'on ne se rend même pas compte qu'on le lit. Les mots glissent comme des gouttes de pluie sur une vitre, et chaque phrase est comme un poème dans une grande oeuvre épique, un poème qui aurait écrit pour moi, et qui résonne au plus profond de mon ventre.

Si toutes les bibliothèques du monde devaient brûler, c'est celui-là que j'apprendrais par coeur, juste avant l'incendie.

Il y en a eu tellement d'autres qui m'ont ému, qui m'ont touché, qui ont fait résonner une corde que je ne savais pas là au fond de mon cœur.

Mais ces livres-là, ce sont ceux qui m'ont aidé à avancer, qui ont forgé mon caractère, qui m'ont appris des leçons. Je ne sais pas si j'aurais traversé la période du collège s'il n'y avait pas eu Lyra à mes côtés, et je ne sais pas si j'aurais jamais pu écrire quoi que ce soit s'il n'y avait pas eu "Fahrenheit" pour me dire que ce n'était pas stupide d'essayer.


Ces livres sont là pour qu'on vive ce qu'on n'ose pas vivre à travers eux. Mais non, Sarah, ma belle, ce n'est pas un leurre. C'est juste une manière de s'aider à grandir.


Et de s'aider à guérir.

samedi 10 janvier 2009




(Moi je dis qu'il y a une arnaque quelque part)



Au moment de l'inscription dans les TD d'anglais du deuxième semestre, je devais choisir un groupe pour la littérature britannique.


Le premier groupe c'était "La poésie lyrique en Angleterre du Moyen Age à la mi-Renaissance ; forme et aspects de la rime trochaïque". Donc j'ai dit nan moyen.


Le deuxième groupe c'était : "Herman Melville, génie incompris sauf par nous les profs de littérature", puisque tout les gens normaux qui ont essayé de lire Moby Dick jusqu'à la fin se sont tous pendus avec leur ceinture, leurs lacets, le fil de leur souris, leur câble Vialis, y'en avait même un qui avait la wi-fi eh ben il a essayé quand même.


Et là je me suis souvenue de mon expérience traumatisante avec Moby Dick, un an et demi pour le finir (à cette époque-là j'abandonnais jamais, jamais un bouquin quand je l'avais commencé, et même aujourd'hui ça m'arrive qu'avec du Marc Levy) et je me suis dit que jamais au monde je ne me soumettrai à la torture de relire le chapitre de trente-deux pages intitulé "La tête de la vraie-baleine, vue contrastée". Et les schémas, oh, Hitchcock tout-puissant, les schémas. J'en ai les yeux qui saignent rien que d'y repenser.


Après les gens ils s'étonnent quand je leur dit que j'ai lu le Seigneur des Anneaux trois fois en français et deux fois et demi en anglais (je suis à la moitié là) en comptant la préface, les cent premières pages sur la culture de l'herbe à pipe dans le quartier Sud de la Comté, les annales de tous les rois du Gondor, les règles de grammaire elfique, l'étude des noms propres chez les orques, tout.

Les gens ils me regardent comme si je venais de leur avouer que mon hobby préféré c'était de balancer des sacs remplis de chatons contre des murs, et ils disent :


- Ah ouais, t'es une vraie fan, hein.


Mais en fait non (enfin si, mais juste un peu). C'est simplement que Herman Melville a redessiné toute ma géographie personnelle de la chiantise. Moby Dick, c'est l'ultimatum, c'est le boss de fin de niveau, c'est le mètre-étalon de tous les La Bruyère, Flaubert, Balzac et autres Yves Bonnefoy.


Donc j'ai pris le troisème groupe : "Richard II, la tragédie historique chez Shakespeare". Shakespeare, alias le mec absolument génial et sur-kiffant, que j'ai lu Roméo et Juliette cinquante fois en pleurant, que j'ai lu Hamlet et ensuite je détestais toute l'humanité pendant trois mois, que j'ai lu Macbeth et c'est là que j'ai réalisé que Tolkien lui avait tout piqué (Eh dis-moi John Ronald Reuel, le coup du "aucun homme ne peut me tuer" c'était un peu gros quand même)


Donc j'étais contente.


J'achète mon petit livre, et le mec me dit qu'il reste qu'une édition bilingue. Là je me dis "Haha naïf enfant, comme si j'avais besoin d'une édition bilingue, c'est pas comme si je partais en Angleterre l'an prochain".
Et puis j'ouvre le livre, et je vois ça :

Old John of Gaunt, time-honoured Lancaster,
Hast thou, according to thy oath and band,
Brought hither Henry Hereford thy bold son,
Here to make good the boisterous late appeal,
Which then our leisure would not let us hear,
Against the Duke of Norfolk, Thomas Mowbray?

Et maintenant, juste maintenant, je me souviens que Shakespeare a vécu au seizième siècle.

Peut-être qu'ils m'autoriseront à rejoindre le groupe 2 à la rentrée.

dimanche 4 janvier 2009

la perle du mois!


Les dernières perles de 2008 !

Certaines sont un peu alcoolisées, mais dans l'ensemble, ça reste compréhensible.

EDIT : Ouh, égalité ! On a donc en vainqueurs, Flavien et .... Flavien. Vous me désespérez.

- Aujourd'hui y'a un oiseau qui s'est écrasé sur les vitres du magasin, et tout le monde regardait.
- C'est à ça qu'on voit que la crise est pas si grave : si les gens avaient vraiment eu faim, ils l'auraient bouffé.

- Fla quand il s'ennuie il fait que des conneries.
- La dernière fois que je me suis ennuyé, je suis sorti avec toi.



1) "Je me suis sentie mal tellement ça puait la forêt et...les arbres" Coralie, homme des bois

2) "Vous êtes nulles et je vais...je vais attacher mon sac !" Moi

3) "J'hésite entre le poulet et le boeuf...je vais prendre du porc" Moi

4) "Non mais moi je m'émerveille pour un rien. Rappelle-toi du jour où j'ai réalisé que l'inventeur des escaliers, il aurait juste pu faire une pente" Moi

5) "Ce serait génial comme vie : manger des insectes" Sarah

6) "T'as déjà vu des raisins faire du patin à glace ?" Cyril, salade de fruits façon Candeloro

7) "Faudrait que t'aies des chaussures couleur parquet" Cyril

8) "Marianne James, on dirait qu'elle a mangé tous ceux qui se sont fait recaler à la Nouvelle Star" Cyril

9) "Moi je veux de la salade de fruits de Dieu" Flavien

10) "J'vais crever avant de mourir" Flavien

11) "N'importe quoi ! Il est pas mort Jacques Brel !!" Flavien, ou le paradoxe Bob Dylan

12) "Ouh ! J'ai envie de copuler avec le sapin !" Flavien

13) "On tire sur mon cravate : on m'embrasse !" Flavien

14) "Je trouve quand même que le supermarché, il se fait arnaquer : moi je leur donne des sous, mais en échange, j'ai à manger !!" Moi, ou l'optimisme du trader en période de krach boursier


La bande en action :

15) - Ne l'enferme pas sur le balcon !
- Mais si, c'est mon nouveau concept : le premier zoo urbain.


16) - Un poisson rouge c'est nul, tu peux pas le caresser.

- Adopte un poisson rouge portugais.


17) - Je suis un aimant à boulets.

- Regarde Chacho.


18) - Moins les filles sont jolies, mieux ça vaut.

- Boh, je suis pas difficile.

- Regarde Chacho.


19) - Cyril t'as fait une bite dans le dos ?!

- Sois heureux qu'il me l'ait mise que dans le dos.

21) - C'est le héros du Roi Lion.

- PUMBAA !
(Flo, frère de Flavien)

22) - J'adore la musique de Louis Armstrong

- Il était pas cosmonaute ?

- Non, ça c'est Neil Armstrong.

- Il faisait pas du vélo ?


jeudi 1 janvier 2009


(Bonjour, je m'appelle Charlotte, mon passe-temps c'est de mettre ma tête dans des bols à motifs chinois. Toi aussi, passe à Incroyable Talent)



En 2008, j'ai rencontré des gens chelou, j'ai fait des trucs chelou, j'ai rempli des carnets à conneries.


Je suis retournée en Russie et c'était génial, je suis allée en Pologne et c'était presque encore mieux.
J'ai retrouvé ma bibliothèque d'été, et j'ai passé un mois à dire "Kein Blitz und bitte die Bilder nicht touchen" dans un musée froid.


Je me suis rapproprié ma chambre de Colmar et ma ville de Strasbourg, je suis devenue fainéante tellement j'ai aucune distance à parcourir sur mon fidèle El Mocho.

J'ai presque tacitement emménagé avec Professeur Flaxou même s'il n'est pas encore chez moi tous les jours (mais attendez le semestre prochain, je lui ai offert une console à mettre chez moi pour qu'il s'ennuie moins).


J'ai dit au revoir à deux amies, pour des raisons d'éloignement (géographique ou psychologique) et j'attends avec impatience le retour d'une québécoise/alsacienne/bas-alpine au bercail strasbourgeois.

J'ai presque passé mes partiels, et j'ai signé pour passer un an au fin fond de l'Écosse, à donner des cours de français à des mômes sous la pluie, dans un château hanté (y'a pas d'écoles en Écosse, c'est que des châteaux hantés partout).


Je suis allée en boîte et j'ai dansé jusqu'à quatre heures du matin
, que se passe-t-il Michel Drucker ? C'est le dieu du Red Bull qui avait dû envahir mon corps parce que d'habitude, à vingt-deux heures, c'est rideau et bonne nuit mamie zombie. Comme quoi ça peut servir de boire un truc qui ait un goût aussi profondément dégueulasse. (entre les gens qui aiment le Red Bull et moi, c'est plus un mur, c'est un fossé, c'est une faille tectonique d'incompréhension)


J'ai survécu à une gastro qui s'est déclarée le 29 décembre, les boules. J'ai passé tout mon deux-jours-avant-nouvel-an à vomir dans les toilettes, le lavabo, un seau, mon verre d'eau, un peu tout ce qui passait pas loin aussi. C'était deux jours de chiotte (au sens propre AHAHA) mais le timing était on ne peut mieux choisi.


Toi aussi, après les fêtes, perds trois kilos en deux jours !
Le vrai régime des stars enfin divulgué au grand public ! (garanti presque sans aucune douleur, à part quand tu te mets à vomir du sang, à ce moment-là ce serait bien d'arrêter même si tu ne rentres toujours pas dans ta robe de Nouvel An, jeune grosse)


J'ai fêté Nouvel An chez moi et j'en ai même pas profité pour boire tellement j'avais peur que des gens se mettent à vomir sur le tapis, merci l'endoctinement Mamantesque :


- Bon, je te laisse la maison, mais ce sera exactement les mêmes règles que quand ta soeur a fêté Nouvel An 2000 ici avec ses copains.
- Euh, mais elle avait 16 ans, et tous ses potes en avaient 15.
- Oui ben tes amis c'est pareil, fais pas ta grande.

Je fais pas ma grande, c'est juste qu'on avait 23 ans de moyenne d'âge et que personne n'a vomi, arraché un bout de barrière, ou jeté des mégots de joints sur la pelouse de notre mètre carré de jardin, comme au nouvel an 2000. Personne n'est allé en prison non plus, et ça c'est chouette.


Bon, y'a eu un petit incident im
pliquant des gens, des stylos Bic et le tout nouveau canapé, mais K2R est notre ami, et donc il ne s'est rien passé (geste de Jedi).

Y'a aussi eu le gros con de l'entreprise d'en face qui est venu nous surveiller quand on pétait des pétards (achetés en France cette fois-ci) sur son parking et qui a tourné comme un chacal autour de nous d'un air ouais ouais che fous ai à l'oeil. Il avait peur de quoi, qu'on foute le feu à son entrepôt en béton avec nos claque-doigts ? Gros con. Peut-être qu'il avait peur qu'on brûle son Hummer de huit mètres de haut qu'il gare sur trois places de parking et qu'il laisse tourner pendant des heures on sait pas trop pourquoi, peut-être il a juste envie de dire aux passants eh regardez je crame de l'essence alors que c'est trop cher, la classe. Gros con.


Mais c'était un chouette Nouvel An.


Et c'était une chouette année.


J'ai hâte de voir ce que celle-ci me réserve. Avec plus d'épreuves à affronter, loin de ma famille, de mes amis, et loin de ma maison.

Mais toujours avec vous.


Bonne année 2009 à tous.