lundi 30 septembre 2013

La communication publique : peut-on utiliser l'humour pour évoquer des sujets sensibles?

(J'aime bien mon titre, il fait sérieux.)

(C'est pas tous les jours qu'on a une vraie réflexion sur ce site!)

(Poil à la bite.)

(Qu'est-ce que je disais?)

Bon.


Quelquefois, mon pas si lointain passé d’étudiante en communication fait une surprenante poussée dans mon organisme. 

Dans ces moments-là, je regrette furieusement mes cours de com' et les analyses de ma prof principale, et je regrette même mes contrôles continus de Master parce que les sujets étaient toujours super intéressants.

(Je sais, "han la meuf tellement intello qu'elle regrette ses examens", oui bah jette-moi des pierres je m'en fous, l’école c'est génial et j'y ai passé les meilleurs moments de mon existence, voila c'est dit, tant pis si ça te choque, t'avais qu'a être meilleur en classe, je vois même pas pourquoi je me justifie auprès de toi espèce de cancre, retourne t'asseoir près du radiateur.)

Bref.


Et donc, en regardant les annonces de santé publique qui passent au cinéma avant le début des flims, je me suis surprise à comparer les styles Français et Néo-Zélandais pour ce qui touche à la communication publique.

On l'a déjà évoqué, les Kiwis sont des gens très relax.

Ils marchent pieds nus dans la rue, ils appellent tout le monde par leur prénom (et, quand ils ne connaissent pas ton prénom, ils t'appellent "Honey" ou "Mate"), et ils ne sont en général pas très portés sur le décorum (y'a qu'à voir la manière dont ils s'habillent).

(Des fois, j'ai des moments "méchante Française" que même ce pays de Bisounours ne peut pas détruire.)

C'est aussi un peuple qui a un bon sens de l'humour, et une assez grande capacité à faire de l'auto-dérision. (A l'inverse des Français, qui aiment par-dessus tout se foutre de la gueule des autres.) 

Ainsi, les Kiwis aiment bien utiliser l'humour pour faciliter la communication. Ça se ressent notamment dans la pub, mais aussi dans la communication dite "sensible", sponsorisée par le gouvernement et qui aborde les sujets fâcheux : drogue, alcool, dépendance au jeu, cigarette, sécurité routière, etc.

Exemple parfait : ce récent spot de prévention pour la sécurité routière, mis en scène par un réalisateur nommé aux Oscars et non seulement hilarant, mais aussi très Kiwi dans son esprit ("an'then we had some fush n chups!") :


La vidéo a fait le tour du net en Nouvelle-Zélande et comptabilise en ce moment plus d'un million de vues sur Youtube (et dans un pays de 4,5 millions d'habitants, c'est quelque chose).

On est donc face à une approche radicalement différente de celle de la France, qui mise le plus souvent sur des spots de prévention jouant la carte du choc et de l'émotion (et qui te font bien avaler ton pop-corn de travers quand tu te les tapes sur grand écran avant ta séance de ciné).

Pour preuve, voici deux vidéos traitant du même thème : que faire face à une personne saoule qui veut prendre le volant?

Ici, le spot de prévention français :


Et, ici, la version Kiwie :


(La vidéo a eu tellement de succès que les gens font encore des références aux "Ghost Chips" - un peu comme chez nous avec "La marmotte elle met le chocolat dans le papier d'alu", "Tu pousses le bouchon un peu trop loin, Maurice" ou encore "Tu peux te brosser, Martine".)

C'est une approche un peu plus subtile que celle de la France, et surtout beaucoup moins chiante austère.

Après, ça ne veut pas dire que les Néo-Zélandais n'utilisent pas les messages choc : on a ainsi pu voir cette pub contre les excès de vitesse:


(Mais qui ne vaut quand même pas cette horrible campagne publique pour les détecteurs de fumée)

(Eh les Français, on est d'accord qu'aucune maison chez nous n'est équipée de ce genre de trucs?)

(J'ai l'impression qu'on est les gens les plus inconscients du monde.)

Et, par corollaire, on a vu la France s'essayer à des campagnes de sensibilisation avec un côté humoristique et décalé.... avec plus ou moins de succès.

Du côté plus, on a Licence to Heal, cette page absolument géniale créée par la Croix-Rouge pour apprendre aux gamers à dispenser les gestes de premiers secours :




(Avec la traduction gamer-français, ils ont pensé aux n00bs.)

Une excellente idée, très fun, facile à réaliser à peu de coûts, et surtout utilisant du vrai vocabulaire de gamer et des phrases qui ont du sens (et qui évitent donc la décrédibilisation totale avec le coup du "Ouais on aime les gamers, lol lol Super Mario Zelda geek point de vie one up"). 

(Franchement, GG la Croix-Rouge.)

Mais ensuite, malheureusement, du côté moins, on a le clip le plus ridicule du monde pondu par la Sécurité Routière, manifestement après une journée à prendre de l'acide, et qui tente péniblement d'avoir l'air "d'jeuns" (avec, du coup, le pénible effet "Ouais on aime les jeunes, lol lol texto Vivelle Dop ptdr Instagram").

(Attention, musique insoutenable) :


Si ce clip était un cheval de course, ce serait celui qui a loupé une haie et à qui tu donnes un peu d'avoine avant de lui tirer une balle entre les deux yeux.

Bien joué, la Sécurité Routière. Grâce à ce clip, vous avez définitivement convaincu tout jeune de moins de 25 ans que rouler sobre, c'est le truc le plus ringard du monde.

(Sérieusement, où est-ce qu'ils ont chopé le "rappeur" de ce clip, chez les jeunes UMP?)

Nan mais franchement, qu'est-ce que c'est que ce vocabulaire jeune? J'ai pas entendu le verbe "tiser" depuis l'album "Panique Celtique" de Manau! 

Et alors "qui c'est qui a du biff pour l'essence dans la gova"? Bravo, jackpot, voilà deux termes qui n'ont pas été utilisés par les jeunes depuis l'époque où IAM dansait le Mia. Respect.

Et puis "s'enjailler", c'est pas juste La Fouine qui utilise ce terme?


("T'es bourré comme un cartable?" Nan mais les mecs, vous êtes bien mignons, mais si vous commencez à inventer des expressions d'jeuns lolilol vous-mêmes, on va pas s'en sortir.)

Et puis, bien joué pour faire un clip qui permette à tous les jeunes de s'identifier à la situation des personnages. Parce que là, entre les mecs sosies de Jean Sarkozy, les gens fringués comme les BB Brunes, et les situations à la mords-moi le nœud, on peut en gager que c'est un clip qui ne va parler qu'aux jeunes de l'Avenue Montaigne.

- Bah quoi? tes potes ils organisent pas tous des teufs avec 150 personnes, dans une maison de mille mètres carrés avec une piscine? Bah chais pas, pour moi c'est une fête normale-an.

(Témoignage de blogueuse mode.)

- Nan, moi je fais toujours des chorégraphies impromptues sur la piste de danse de 100 mètres carrés qui se trouve dans la cave de mes amis. Je vois pas où est le problème.

(Témoignage de Mia Frye.)

- Quoi, t'as jamais fait de la planche à voile dans la piscine de tes potes? Mais tu me fais de la peine, mon vieux.

(Témoignage de la Emirates Team New Zealand.)

Bon, après, je suis peut-être pas la meilleure pour juger, vu que je suis officiellement une vieille : il y a quelques semaines j'ai fêté mes 25 ans (depuis, j'essaye de m'habituer au concept que j'ai probablement déjà vécu tout un tiers de ma vie, et que on dirait pas comme ça mais c'est passé super vite et putain encore un autre tiers et je serai vieille, et putain encore un autre tiers et je serai MORTE, oh sa mère mais sauvez-moi je veux pas mourir).



(Je sais que je panique pour un rien, mais en fait ça m'était jamais venu à l'esprit avant que j'allais mourir un jour.)

(J'ai toujours cru que d'ici à ce que je sois assez vieille pour mourir, on aurait trouvé un système pour conserver ta tête dans du formol et la poser sur un corps de robot.)

(Eh les chercheurs! Il serait temps de vous magner le cul, hein. J'ai plus si longtemps.)

Mais même moi, malgré mon âge avancé (l'autre jour j'ai utilisé l'expression "on n'en fait plus des comme ça" - je suis finie), je peux quand même dire que la campagne "Si t'as pas le Sam t'as le seum", c'est la plus grosse tentative de foirage en com publique depuis que l'Union Européenne a tenté d'intéresser les filles à la science.

Et ça, c'est quand même dire quelque chose, mes amis.



- La seule variation acceptable de ce clip.

(Témoignage de Dean Winchester)

vendredi 27 septembre 2013

Brève marmaillesque


(Je voulais mettre une photo de ma nièce, mais ma sœur refuse que je poste des photos de sa progéniture sur Internet et je veux pas me choper un procès pour droit à l'image dans vingt ans, merci bien. Du coup j'ai mis un bébé générique, donc faudra que tu fasses un effort d'imagination.)

(Ce blog c'est pas pour les fainéants, attention.)

Et donc je suis tata.

Pour le moment, je suis tata qu'en titre, parce que ma sœur a eu la bonne idée d'accoucher juste avant mon départ pour la Nouvelle-Zélande. (C'est malin.)

Pas vraiment le temps de lier un lien émotionnel avec ma nièce, donc, vu que, quand je suis partie, elle était encore à l’état larvaire (c’était un petit machin rouge et fripé qui faisait que dormir, pleurer et faire caca), donc c’était pas vraiment une personne.

(Ne dites pas à ma sœur que j'ai dit ça.)

Mais grâce à la magie de Skype (et aussi parce que c'est le premier enfant de la nouvelle génération et que toute ma famille semble incapable de parler d'autre chose) je l'ai graduellement vue grandir à distance.

Et la distance, c'est quelque chose de rigolo. Parce que ça fait de moi la seule personne dans cette famille immune aux charmes du petit rejeton (et je me fais pas d'illusions, je vais devenir aussi gaga que tous les autres quand je serai face à ses 70 centimètres de choupinitude).

La distance donc, c'est ce qui m'a permis d’apprécier le fait que ma sœur, éducatrice de jeunes enfants de son métier et dont la sévérité est légendaire parmi tous les anciens gamins du quartier (je suis presque sûre qu'elle figure comme la méchante sorcière dans les histoires qu'ils racontent à leurs enfants maintenant) s'est maintenant transformée en maman poule et laisse sa fille de même pas un an la mener par le bout du nez.

(Elle avait beaucoup de problèmes de coliques les premiers mois de sa vie, du coup elle pleurait presque en continu, et ma sœur devait la porter dans ses bras en permanence pour la calmer. Seulement, maintenant, elle a plus aucun problème, mais elle est habituée à un certain train de vie de princesse. Donc, quand quelqu'un la pose, elle hurle.)

(Ma mère me racontait l'autre jour qu'elle est obligée de l'emmener avec elle aux toilettes quand elle la garde.)

(Bonjour, quinze ans de psychanalyse.)

Le truc rigolo avec ce petit bout de nana, c'est qu'elle a beau être issue de ma sœur toute fluette, elle a un appétit positivement pantagruélique.

Je pourrais raconter les histoires de toutes les choses qu'elle est capable d'ingurgiter en une journée (des bananes, du fromage blanc, des gâteaux, des limaces), mais je pense que le meilleur moyen de résumer l’état d'esprit de cette mini-rabelaisienne, c'est encore cette anecdote :

Le premier mot de ma nièce, c’était "pain".

(Une vraie Française, pas de doute.)

Au début, ses parents pensaient qu'elle disait "papa", mais ensuite ils se sont rendus compte qu'elle ne le disait qu'a l'heure des repas, et finalement, ils se sont rendus compte qu'elle ne disait pas "papa" mais "pain, pain!"

(Maintenant, elle dit aussi "mama", mais seulement quand elle veut qu'on lui donne a manger.)

(Décidément, la mentalité "bouffe = amour", c'est un véritable trait génétique dans cette famille.)

(Je vous ai raconté que j’étais sortie avec Professeur Flaxou uniquement parce qu'il m'avait offert un paquet de Carambars?)

(Heureusement que ça a marché avec lui, dis donc, parce que mon Dieu qu'est-ce que j'aurais été une fille facile.)

(Bon, c’était des Carambars Grenadine - je suis pas une pute à deux sous non plus, faut pas exagérer.)

L'autre truc que je trouve dingue avec l’arrivée de ce bébé, c'est que, depuis que ma mère est grand-mère, elle est devenue vieille.

Avant le bébé, elle était une femme de 55 ans qui sortait, fumait des menthol, faisait des régimes toute l’année, s'habillait chez Camaïeu, et buvait des mojitos avec ses copines tous les jeudi soirs.

Apres le bébé, c'est une femme de 56 ans qui se lève a 6 heures du matin pour aller au marché, s'habille chez  la Halle aux Vêtements, et passe la moitié de sa vie dans la cuisine à faire des confitures.

Une vraie mamie, quoi.

Ce qui est super pour ma nièce, évidemment (et j'avoue que de mon côté c'est plutôt agréable d'avoir remplacé "Oh dis donc t'as grossi" par "T'as une petite mine, tu manges bien au moins?") (C'est un petit pas pour l'homme, mais un grand pas pour 15 ans de commentaires passifs-agressifs sur mon poids.)

Mais ça surprend de se rendre compte que les sujets de conversation préférés de ma mère tournent désormais autour des rhumatismes du chat, de cet hiver qui n'en finit pas, et bien sûr de Lyson.

(Oui, ma nièce a un Y au milieu de son prénom comme une kikoolol.) (Et alors, toi ta famille elle est parfaite peut-être?)

Et Lyson, à en croire les échos que j'entends de ma famille, c'est un peu un super-héros en couche-culottes.

Parce que non seulement c'est le plus joli bébé du monde, mais c'est aussi le plus intelligent bébé du monde, puisque, dixit ma mère :

- Nan mais c'est incroyable, tu dis son nom et elle tourne la tête! Elle reconnaît son nom!

Oui. Bon. Mon chat aussi il reconnaît son nom, et pourtant il a toujours pas compris la différence entre un arbre et un poteau électrique (c'est très rigolo de le regarder essayer de grimper au lampadaire). Donc là, on n'a pas vraiment prouvé que ce bébé était intelligent (tout au plus qu'il n’était pas sourd).

- Quand on la met devant un miroir, elle cherche le bébé derrière le miroir, c'est adorable!

Ah ouais, de mieux en mieux.

T'es au courant que même les oiseaux reconnaissent leur propre reflet dans un miroir? 

(Enfin j'dis ça j'dis rien.) 

(On parle d'animaux qui ont un cerveau de la taille d'une noix, c'est tout.)

Et le mieux, c’était quand même la fois où je parlais avec ma mère sur Skype et que Lyson, sur ses genoux, s'est mis à chantonner des syllabes (elle parle pas encore, mais elle chante de longues listes de diphtongues) et qu'au milieu du charabia, ma mère s'est exclamée :

- Et là je dis à Madame Meyer, ah ben évidemment depuis l'Euro le prix des carottes s'est complètement envolé, et...Oh mon dieu Charlotte tu l'as entendue?
- Quoi?
- "Tata"! Elle a dit "Tata"! Elle a dit ton nom!

(Oui, apparemment je n'ai plus de prénom.)

Faut vraiment que ce soit un bébé intelligent pour comprendre que la personne qui bouge à l’écran est, non seulement réelle, mais en plus un membre de sa famille (et puis deviner la filiation exacte en plus! chapeau).

Donc je voudrais profiter de ce billet pour remettre les choses dans leur contexte :

Ce bébé est-il le plus mignon de la planète? Oui. (Si. Objectivement, oui.)

Ce bébé est-il le plus intelligent de la planète? Non. Elle a un développement tout a fait normal pour un petit enfant de son âge, et, qui sait, elle deviendra peut-être un génie plus tard (en tout cas, l'histoire familiale tend à le prouver - quoi, tu veux que je ressorte mon test de QI du CP?)

Mais pour le moment, tout ce qu'on peut dire, c'est qu'elle a la capacité cérébrale d'un petit mammifère domestique.

Et, au final, quand on voit ce qu'est un bébé (une petite créature qui pousse plein de cris, qui est mignonne, et qui fait pipi partout), est-ce qu'on ne peut pas en conclure qu'ils ne sont en fait ni plus ni moins que de petits animaux de compagnie?

(Ne dites pas a ma sœur que j'ai dit ça.)

(Sinon elle va me faire sa prise Vulcaine de paralysie.)

(Elle te chope à l’arrière de la nuque et ensuite elle te secoue. On dirait pas parce qu'elle est minuscule, mais c'est très très douloureux.)

(Alors on ne dit rien sur cet article, OK?)



(Ci-mer.)

dimanche 22 septembre 2013

L'instant Kiwi!


Instant Kiwi n° 11: l'overstatement.

(J'aurais pu dire "exagération", mais je suis bilingue maintenant alors faut que je le montre.) 

(Esprit de la blogueuse mode, je t'invoque!)

Les Néo-Zélandais sont globalement des gens ouverts d'esprit. Seulement, de par leur isolement géographique, ils ont très peu l’occasion de voyager (beaucoup ne voient que l'Australie en guise de pays étranger - et, faut pas déconner, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, culturellement, c'est un peu comme la France et la Suisse : y'a plein de petites différences, mais bon, c'est pas non plus Samuel Huntington et le choc des civilisations).

Par corollaire, les Kiwis n'ont comme point de comparaison que leur propre pays. Et ça donne des conversations très très rigolotes quand tu les écoutes parler des graves problèmes de la Nouvelle-Zélande.

Par exemple, j'ai oncques évoqué les sueurs froides que m'inspire la Southern Motorway. Mais j'ai omis de mentionner le problème de la circulation.

Parce que c'est pas un problème.

C'est sûr, aux heures de pointe, tu mets quinze minutes à entrer sur l'autoroute (ci-mer le système de feux qui fait s'entasser tout le monde sur la voie d'insertion), mais au mois, après, la circulation est relativement fluide (tu dépasses pas les 70 km/h, mais au moins ça roule).

Mais demande à un Kiwi ce qu'il pense du trafic routier a Auckland, et c'est comme pisser de l'essence sur un feu de camp :

- Han mais le trafic à Auckland, c'est une HORREUR! Des fois je mets, genre, TRENTE minutes pour faire dix kilomètres!

Et moi, j’écoute ça, et je me souviens des bouchons a l’entrée de Strasbourg le dimanche soir, ou on mettait une heure a faire cinq kilomètres. 

Je me souviens des heures entières passées a l’arrêt dans la Twingo en plein cagnard du 15 août, au point mort sur l'autoroute du Soleil pendant des centaines de kilomètres, et JE ME MARRE.

Ou bien, autre exemple : les distances.

La Nouvelle-Zélande est un petit pays. Du coup, les Kiwis considèrent tout lieu à plus d'une heure de route de chez eux comme le bout du monde.

Quand je me suis installée a Mount Wellington, j’étais contente, parce que c'est seulement à 20 minutes en voiture de mon boulot (et 45 minutes en bus). Ce qui, pour une ville de plus d'un million d'habitants, est franchement très correct.

Mais quand j'ai dit aux gens de mon boulot où j'habitais, ils m'ont tous invariablement répondu:

- Ah, ouais...c'est loin.

Loin? Mais déconne pas Richard, c'est à vingt minutes! Tu sais ce qu'ils donneraient, les Parisiens, pour habiter à 20 minutes de leur lieu de travail?

(Probablement un rein, vu le prix des loyers franciliens, mais je m’égare.)

Et je ne compte pas le nombre de Kiwis qui ont trouve ça aberrant que je parte à Coromandel Peninsula pour seulement deux jours, parce que c’était à deux heures et demie de route d'Auckland et que "Ça vaut même pas le coup, tu vas passer le week-end entier dans la voiture".

(Alors qu'en vrai j'ai eu le temps de voir une bouteille de limonade géante, d'explorer des grottes, et de me cramer les doigts de pieds.)

Et c'est comme ça pour tout!

Comme indiqué précédemment, je dois quelquefois prendre le bus pour aller au boulot et en revenir. Et quand, un jour, j'ai mentionné a mon patron que j'allais rentrer en bus le soir même, il m'a dit d'un air paniqué:

- Quoi? Tu veux prendre le bus a 22h? Toute seule? Mais c'est super dangereux!

Et bon, il est bien gentil Richard, mais déjà d'une il est PDG et je pense que ça doit faire au moins 25 ans qu'il a pas mis les pieds dans un transport en commun, et de deux : si ça me faisait pas peur de renter seule chez moi a Strasbourg, tu peux bien croire que c'est pas Auckland qui va m'effrayer.

Non pas que Strasbourg soit le pinacle de la criminalité, loin de la (à part pour les vols de vélo), mais c'est juste que la Nouvelle-Zélande, c'est probablement l'endroit le moins craignos de la planète.

Quand je prends le bus de 22h, le chauffeur éteint toutes les lumières, donc le véhicule entier est plongé dans le noir (à part moi, j'ai acheté une petite lampe avec une pince pour pouvoir bouquiner, parce que j'ai donné dans l'art de lire dans le noir et c'est à cause de ça que j'ai des lunettes aujourd'hui alors merci bien mais on ne m'y prendra plus). 

Donc oui, c'est sûr, au début, ça surprend. 

Et en tant que femme Européenne, c'est facile d'imaginer les horribles choses qu'il pourrait t'arriver dans le noir complet à l’arrière d'un bus désert.




(C'est possible.)

Sauf que les gens qui prennent le bus a 22h au centre-ville, c'est les mêmes gens que moi! Ils sont tous en habits de bureau ou en train de revenir de la gym avec leurs sacs de sport.

Le seul truc qui m'agresse, dans le bus de 22h, c'est l'odeur de transpi.

De même, tous les Kiwis me regardent avec de grands yeux horrifiés quand je leur explique que, le jeudi (après le bus de 22h, donc), je fais le chemin de l’arrêt de bus jusqu’à la maison à pied, toute seule. Soi-disant que c'est pas sûr de marcher dans les rues d'Auckland la nuit.

Nan mais les gens, vous êtes bien mignons, mais faut arrêter de croire que le taux de criminalité est directement lié au degré de luminosité.

(Qu'on se le dise, dans la vraie vie, les méchants ne spawnent pas dans l’obscurité.)

Et puis, honnêtement, a Mount Wellington, les 200 mètres de trajet que j'effectue la nuit à pied se situent entre une église Samoane et une clinique d'ophtalmologie pour animaux de compagnie (si si, ça existe), donc je pense pas non plus que ce soit le quartier de prédilection des coupe-jarrets.

(A la limite, je pourrais me faire attaquer par un chat avec une conjonctivite.)

Donc, pour résumer : les Kiwis ont aucune idée de ce qui se cache hors de leur monde merveilleux.

Mais d'un côté, vaut mieux qu'ils voyagent pas trop, les Néo-Zélandais. Avec cette mentalité de Bisounours, je te raconte pas la hausse cruelle du taux de mortalité Kiwi pour toutes les vacances à l’étranger :

- Oh, bonsoir Monsieur! Vous tombez à pic, je me suis perdu dans ce quartier de HLM, et je voudrais pas m'attarder parce qu'il va bientôt faire nuit. Donc quand je vous ai vu promener votre pit-bull, je me suis dit "Ouf, un brave passant, me voila sauvé!"  Dis donc, c'est une bien jolie croix que vous avez tatouée sur le cou. Un symbole celtique, peut-être?

Ça va faire mal, c'est moi qui te le dis.

dimanche 15 septembre 2013

L'instant Kiwi!

Instant Kiwi n° 10: Les transports.




(Malheureusement, le Moa n'est plus un moyen de transport.)


Je vais commencer cet article avec un petit conseil pour mes lecteurs que ça intéresserait de passer quelque temps en Nouvelle-Zélande :

Ici, les transports en commun, CA N'EXISTE PAS!

Pour tempérer un peu mon propos : alors, si, il y a des bus à Auckland : ils passent une fois par heure de 7h à 22h et ils font la liaison banlieue proche-centre ville. On a également un formidable système de trains de banlieue type RER qui relient les parties les plus lointaines de l'agglomération au centre-ville (avec, non pas une, non pas deux, mais QUATRE luxuriantes lignes de train) (mais aucune ne va au North Shore, qui concentre pourtant un tiers de la population d'Auckland). Et on a aussi des ferrys qui relient le rivage du North Shore et les îles de la baie d'Auckland au centre-ville.

Dans les autres grandes villes de Nouvelle-Zélande (au nombre de deux : Wellington et Christchurch), on me souffle que le système de transports en commun est plutôt bien foutu.

Et dans le reste du pays : y'a rien.

Il existe deux lignes de train : une sur l’île du Nord qui fait Auckland-Wellington, et une sur l’île du Sud qui traverse les Alpes d'Est en Ouest. Et, des fois, si l'envie te prend, tu peux dégoter un bus qui va d'une grande ville à une autre - mais t'auras plus vite fait de prendre le Red Eye (l'avion de nuit pour les vols intérieurs - appelé Red Eye je te laisse deviner pourquoi, vu que c'est des vols de nuit - ha, les Kiwis, quel sens de la formule) ou de faire du stop.

Mais bon, globalement, Auckland et les transports en commun : laisse tomber la neige. C'est une ville de un million d'habitants, et le système de transports est encore plus pourri que Colmar un jour de verglas.

Donc, la seule solution pour se déplacer en Nouvelle-Zélande, ça reste la voiture. Ici, on compte en moyenne, non pas une voiture par foyer, mais une voiture par individu (enfin, par individu majeur hein, les enfants n'ont pas le permis).

(Oui, je sais, c'est pas écolo de rouler en voiture. Mais c'est un pays qui a plein de parcs naturels, on va dire que ça compense?)

(Et puis bon, l'avantage de ce pays, c'est qu'il y a la place pour se garer PARTOUT.)

(J'ai pas fait un créneau depuis 2012.)

Bon, maintenant, tu me verrais au volant de ma Ford Mondeo de quinze mètres de long, tu serais impressionné par comment je gère la conduite (si si). Mais quand on est arrivés en Nouvelle-Zélande, j'avais tellement la trouille de conduire à gauche que Professeur Flaxou venait me chercher au boulot tous les soirs.

(Je pouvais pas rentrer en bus ou en train, parce qu'en semaine, tous les transports en commun s’arrêtent a 22h30, et moi je finis a minuit.)

(Y'a bien des bus qui font le service les vendredi et samedi soirs jusqu'aux folles heures de 1h30 du mat', mais c'est des bus remplis de gens bourrés, et moi, l'odeur de vomi, ça me dit moyen moyen.)

Et puis Flaxou a trouvé du boulot et j'ai été forcée de prendre la voiture pour aller travailler. (Vu que mes horaires pourris m’empêchent dans la même foulée de prendre le bus et de faire du covoiturage.)

Eh ben laisse-moi te dire qu'autant aujourd'hui je slalome avec grâce dans la jungle urbaine, autant au début, je faisais pas ma fière.

D'autant que la localisation de mon boulot ne me facilite pas la tâche, puisque je dois me déplacer sur cette antichambre de la mort qu'est l'autoroute Sud-Nord d'Auckland.

Ce petit sobriquet affectueux n'a rien a voir avec le taux d'accidents (par ailleurs proche du néant), mais je te jure qu'avec le nombre de fois ou j'ai frôlé l’arrêt cardiaque sur ce tronçon, il mérite amplement son nom.

Oui, parce que les Kiwis, tu vois qu'ils sont pas trop habitués à voir des choses sur la route qui ne sont pas des moutons ou des mynas. Parce qu'une fois sur l'autoroute, ils font, mais alors, n'importe quoi.

Je peux te dire que j'ai jamais autant apprécié ma conduite de mamie que dans ce pays. Parce que, si je mettais pas un point d'honneur a toujours conserver une distance de 2 voitures entre moi et les véhicules devant moi, je serais déjà morte.

A peu près un million de fois.

Parce que les Kiwis, ils aiment leurs voitures automatiques. Du coup, ils ont jamais appris a utiliser le frein moteur (vu qu'ils peuvent pas changer les vitesses).

Alors, quand ils voient un ralentissement au loin, qu'est-ce qu'ils font? ILS PILENT!

Quand la limitation de vitesse change? ILS PILENT!

Quand il y a trois gouttes d'eau sur leur pare-brise? ILS PILENT!

Quand une voiture devant eux met son clignotant pour changer de voie? ILS PILENT! (La politesse, ce fléau.)

Je te jure, sur l'autoroute d'Auckland, tu peux pas baisser ta garde une seule seconde. 

Sans compter que le code de la route Néo-Zélandais est légèrement différent du code européen, et qu'il autorise ce qui selon moi est une aberration sans nom : 

En Nouvelle-Zélande, on n'est pas obligés de doubler par la droite (ce qui semblerait la chose logique à faire, étant donné qu'on circule à gauche). Non non! On se complique pas la vie au pays des gens relax! Nan, ici tu doubles par la droite, par la gauche, par où tu veux, man! Sois libre comme une feuille d'automne, suis ta route, trace ton chemin! Double les gens en diagonale si ça te chante!

Bon, maintenant, j'ai l'habitude, je reste sur ma voie et je module ma vitesse comme ça me chante. Mais je te jure qu'au début, quand t'es dans la voie du milieu et que tu te fais doubler de tous les côtés, et qu'en plus les voitures devant toi freinent brusquement pour laisser passer les autres, tu fais tes prières mais comme tu les as jamais faites de ta vie.

(J'avoue que j'étais contente d'avoir appris le Notre Père à l'école primaire juste pour cet instant-là. Au cas où, t'sais.)

Je l'ai déjà évoqué sur ce blog, mais je me dois d'enfoncer le clou : les Néo-Zelandais sont parmi les êtres les plus courtois du monde.

Du coup, ils sont aussi très très polis en voiture (un concept perdu pour les gens qui ont déjà visité Marseille).

Et donc, quand une voiture indique qu'elle veut aller sur ta voie, il faut la laisser passer instantanément. Ça fait que les Kiwis ont l'habitude de mettre leur clignotant, puis de changer de voie dans la seconde qui suit, confiants dans l'idée que le gentil conducteur Bisounours derrière eux va freiner en plein milieu de l'autoroute pour les laisser passer avec un petit hochement de tête, et éventuellement un bisou soufflé par la fenêtre.

(J'exagère à peine.)

Bon, là je me plains, mais faut avouer que cette courtoisie a surtout des côtés positifs : déjà, en tant que jeune conductrice terrifiée qui peine à trouver les commandes dans ces voitures à l'envers (à la place de la commande du clignotant, y'a les essuie-glace. Mais vous voulez vraiment la mort des Européens!!), tu te fais jamais klaxonner.

J'ai d'ailleurs inventé une blague à ce sujet qui fait fureur aux soirées d'expatriés :

A Kiwi brings his car to the shop and tells the mechanic : "I don't really know what's going on, but my car is making this strange noise." The mechanic says : "Let's have a look, eh? Where is the noise coming from?" The Kiwi says "It goes every time I press this button. Can you fix it?" And he honks the horn.

(Je suis sympa, je partage ma blague en VO, au cas où tu connaîtrais des Kiwis à qui la raconter.)

L'autre avantage de la politesse au volant des Néo-Zélandais, c'est qu'elle rend possible les dispositifs de ce genre :



Ça, c'est donc une voir d'entrée sur l'autoroute d'Auckland. Comme tu peux le constater, on a deux voies qui se fondent en une, et des feux rouges avec cette inscription étrange et honnêtement pas très grammaticalement correcte :



Concrètement, ça se passe comme ça : pour éviter une circulation trop intense, ces feux sont allumés aux heures de pointe et ne laissent passer que deux voitures à chaque feu vert. Ces voitures passent de front et se mettent ensuite à la queue leu leu (là encore, y'a pas de règle sur qui cède le passage à qui, c'est du freestyle, c'est toi qui décides) pour gentiment entrer sur la voie d'insertion et s'immerger avec fluidité dans le trafic.

Bon.

Maintenant, transpose ce dispositif en France, et dis-moi si tu vois la couille dans le potage.

(J'hésite entre "personne ne respecterait jamais ces feux" et "personne ne céderait jamais volontairement le passage à une autre voiture", et je pense qu'en fait on aurait probablement un mix des deux.)

Donc, pour résumer : conduire en Nouvelle-Zélande, c'est terrifiant. 

Mais une fois le premier moment de panique intense et les quelques expériences de mort imminente passées, j'ai réalisé un truc génial : c'est que je pouvais profiter de ma mentalité de Française (qu'on peut résumer par : "Bouge ta tire de là, connard, moi je bosse") pour exploiter allègrement la mentalité de ces gros Bisounours de Kiwis (qu'on peut résumer par : "Oh, vous voulez passer, madame? Mais allez-y, je vous en prie, ce sera avec plaisir, et bonne journée à vous!").

Donc, maintenant, je suis la reine.

Je suis la princesse de la route, la badass du bitume,  l'impératrice de la Southern Motorway.



(Quand je confonds pas mon clignotant et mon essuie-glace.)