vendredi 22 août 2014

L'instant Kiwi: Nouvelle-Zelande et la culture du "touche à ton cul"


Ça fait pas mal de temps que je décris la Nouvelle-Zélande comme un pays de Bisounours, et c’est vrai que c’est une sensation qu’on éprouve tout de suite en voyant la gentillesse et la sympathie naturelle qu’exsudent les Kiwis par tous les pores de leur peau.

Et mon truc préféré de tous les trucs que j'aime ici, plus que les gens qui sourient, plus que les rues propres, plus que l'air pur, plus que les chauffeurs de bus (sérieusement les chauffeurs de bus d'Auckland sont les gens les plus sympathiques de l'univers, genre ils sont tous trop heureux de conduire un camion plein de gens sur la même route toute la journée, LES FOUS), la chose qui me plaît le plus donc, c'est que les Kiwis ne jugent personne.

(En Harley Davidson.)

(Pardon, c'est sorti tout seul.)

Parce qu’en Zélandie, on ne trouve pas cette culture du jugement qui fait les beaux jours du commérage a la française. En gros, ça veut dire que si tu es modeuse, goth, punk, métalleux, très grand, très petit, très gros, très maigre, tatoue, piercé, franchement tu vas kiffer la Nouvelle-Zélande, parce que TOUT LE MONDE S’EN FOUT.

(Mais pas besoin de casser ton PEL, parce que tu peux aussi trouver ce même esprit de tolérance et de « j’me mêle de mes oignons » chez nos amis les Anglais ou nos amis les Allemands.)

(Mais ici on a les paysages du Seigneur des Anneaux, j’te rappelle juste.) 

(Ça aussi je trouve que j’en parle pas assez souvent sur ce blog.)

La meilleure preuve de ce je m’en foutisme, à mon goût, c’est ce qui m’est arrivé la semaine dernière.

Donc j’étais chez moi un jeudi aux alentours de midi, en train de m’habiller pour aller au boulot, et comme il faisait pas trop froid j’avais ouvert grand les fenêtres pour aérer.

Et donc, j’étais debout devant mon miroir en collants et en débardeur, en train de choisir une jupe, quand d’un seul coup, un gars se pointe dans mon jardin, avec un uniforme et une casquette « surveyor ». Il lève les yeux, me voit figée à moitié à poil devant ma fenêtre comme un lapin dans les phares d’une voiture, et puis me fait :


Avant de repartir d’un pas guilleret relever les compteurs d’eau.

J’ai eu une second et demie de panique totale et de honte absolue, et puis je me suis dit « Oh c’est bon fais pas ta Française », et je suis retournée a mes jupes tranquillou.

(D’ailleurs, pour ceux qui se demandent ce que ce type faisait dans mon jardin et pourquoi il était entré comme dans un moulin, faut savoir que ça aussi c’est un truc très Kiwi : les maisons n’ont pas de sonnette. Donc faut pas t’étonner si les gars qui relèvent les compteurs entrent dans ton jardin comme chez mamie, ou si les employés de la Poste entrent dans ta maison si personne ne répond à la porte et laissent ton colis sur la table du salon, c’est normal ici.)

Cette anecdote est assez révélatrice de la culture très cool de la Nouvelle-Zélande, et personnellement je me roule dans cette absence de jugement comme dans un champ de fleurs, parce que ça rend les rapports entre les gens beaucoup plus sympas.

D'ailleurs (parenthèse énorme qui va faire la moitié de l'article), il y a un truc en Nouvelle-Zélande que je trouve complètement incroyable que j’ai attendu presque deux ans pour en parler tellement ça me semblait impossible, mais maintenant j’ai fait mes recherches et je peux l’affirmer haut et fort :

En Nouvelle-Zélande, le harcèlement de rue n’existe pas.

Attention, je n’ai pas dit que le harcèlement tout court n’existe pas. (On a beau être chez les Bisounours, y’a des connards partout.) 

MAIS.

Mais le harcèlement de rue, « cette épuisante banalité », n’existe pas.

Pas de sifflements intempestifs, pas de "t'es bonne", pas de "oh salope tu pourrais répondre j'te fais un compliment", pas de "eh mademoiselle vous êtes charmante", pas de "ton père c'est un voleur, il a volé toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans tes yeux", pas de "t'as pas un 06?", pas de "t'as un mec? Pas grave je suis pas jaloux", pas de "allez la miss fais-moi un sourire". 

RIEN. 

Je prends le bus et le train tous les jours depuis bientôt deux ans et personne ne m'a jamais dérangé dans ma lecture (sauf pour me demander mon ticket mais c'était le contrôleur alors je lui pardonne). 

Je baisse instinctivement les yeux quand je passe devant un groupe d’hommes dans la rue mais c'est pas la peine parce que, même si ça leur arrive de mater vite fait, ils n'interpellent pas les filles à tout venant, parce que ça ne leur vient tout simplement pas à l'esprit d'aller accoster les meufs dans la rue, parce que si tu veux draguer en Nouvelle-Zélande, tu vas dans les bars ou dans les boîtes un samedi soir, là où c’est normal de draguer et ou les gens viennent pour ça, et tu ne fais PAS chier les meufs pendant qu'elles font leurs courses ou qu'elles rentrent chez elles.

(Bonheur.)

Et avant qu’on me dise :

- Oui bon enfin c’est pas parce que ça t’es jamais arrivé à TOI que ça n’EXISTE pas !

Je répondrai deux choses :

1. Toi, Française qui me lit, est-ce que ça t’es déjà arrivé depuis que tu es pubère de passer DEUX ANS ENTIERS sans te faire siffler, huer, draguer, insulter, mater, UNE SEULE FOIS ? (Réfléchis-y bien sérieusement et ose me dire oui.) (Et si c’est le cas, fais tourner ton adresse meuf.)

Par la logique ci-dessus, on peut me répondre que, OK, c’est sûrement la preuve que le harcèlement de rue est moins commun en Nouvelle-Zélande, mais peut-on vraiment généraliser en se basant sur l’expérience d’une seule personne, dans un seul endroit ?

La réponse est : évidemment que non, et c’est pour ça que je sors mon point numéro deux :

2. L'autre jour je racontais à des amies Kiwies à quel point je kiffais grave ma race de me balader dans la rue à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit et vêtue de n’importe quelle tenue, sans jamais me sentir agressée. Ce à quoi on m’a unanimement répondu :

- Je comprends pas ce que tu veux dire.

Mes copines Kiwies (qui ne connaissent pas leur chance) ne comprenaient pas ce que je voulais dire, parce que la majorité d’entre elles n’avaient jamais été à l’étranger, et qu’elles ne parvenaient simplement pas à concevoir ce qu’il y avait de tellement super à se promener dans la rue en mode « tranquille on chille ».

Et ça, ça suffit à me faire dire que le harcèlement de rue n’existe pas en Nouvelle-Zélande. Parce que je ne dis pas que tu ne risqueras jamais de te faire draguer par un vieux relou dans le bus ou à te faire siffler au détour d’une rue, mais je dis que, contrairement à la France, la culture du pays ne permet pas que ça soit vu comme un comportement NORMAL (ce qui est une grosse différence).

Face à l’incrédulité de mes copines Kiwies, en mode « Nan mais quand même, les femmes se font pas insulter dès qu’elles mettent une jupe, déconne pas, c’est la France, pas l’Iran » (vous êtes mignonnes), j’ai donc sorti mes anecdotes de trucs qui m’étaient arrivés en France, et qui ne feraient pas vraiment hausser un sourcil dans l’Hexagone parce que ça t'arrive tous les jours.

Des histoires à base de "Une fois, deux gars m’ont suivie dans la rue presque jusqu’à chez moi en me hurlant de loin que j’étais une salope et qu’ils allaient me faire le cul. J’avais 15 ans et je rentrais du lycée." et autres "Une fois, je marchais dans la rue et on m’a traité de pute parce que j'avais des talons". (Des histoires qui sont vraiment du menu fretin dans cette catégorie, toi-même tu sais.)

Et quand je racontais ces histoires à mes amies Kiwies, elles étaient HORRIFIÉES.

Genre elles arrivaient même pas à croire que c’était possible. Le commentaire qui revenait le plus souvent étant :

- Mais enfin POURQUOI les gens se sentent permis de t’adresser des commentaires pareils ?

Et là, on touche pile au cœur de ce que j’adore le plus dans ce pays : les gens se mêlent de leur cul.

Ca ne veut pas dire que la Nouvelle-Zélande est un paradis pour femmes peuplé d'intrépides Amazones (même si ça serait cool franchement).


(Oui, quand je pense "Amazone", je pense "Wonder Woman")

(Mais honnêtement, est-ce que ce serait pas hyper pratique d'avoir un lasso de vérité?)

En fait, même si la Nouvelle-Zélande reste un pays profondément égalitaire, et donc féministe (premier pays au monde à autoriser le droit de votes aux femmes, rep à sa), le pays se tape aussi son quota de problèmes sociaux, particulièrement en matière de violence conjugale, l’un des plus gros fléaux du pays.

(Entre 33 et 39 % des femmes de Nouvelle-Zélande déclarent avoir subi au moins une fois des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire au cours de leur vie - un chiffre qui fout bien la gerbe, on peut le dire.)

Donc non, la Nouvelle-Zélande n'est pas le paradis des féministes.

Non, la culture du "je me mêle de mes oignons" c'est pas non plus forcément une sinécure, parce que ça veut aussi dire que les gens ferment les yeux sur des problèmes autrement plus grave qu’un sifflement ou qu’une insulte en passant (notamment le problème de la violence conjugale et familiale dont je parlais plus haut), puisque les Kiwis partent du principe que « Chacun fait ce qu’il veut chez soi et c’est pas mon boulot de m’en mêler ». Donc il faut bien avouer que ce n’est pas toujours un comportement qui mène à des résultats positifs.

Mais (et là je vais entrer en mode full « moi moi et mon nombril ») (un truc que je ne fais pas assez sur ce blog, je trouve) pour ma pomme, c’est tout bénef.

Parce que ça fait bientôt deux ans que je me regarde dans le miroir avant de sortir et que je n'ai plus besoin de me dire :

"Est-ce que cette jupe est trop courte?" 

"Est-ce que que ce haut est trop moulant?"

"Est-ce que ces baskets sont trop crados?"

"Est-ce que ce pull est trop mou et informe?"

PARCE QUE TOUT LE MONDE S'EN COGNE COMME DE SA PREMIÈRE MENTHE A L'EAU.

Et ça, cette culture du jugement, contrairement au harcèlement de rue, c’est un truc qui ne me pesait pas du tout jusqu’à ce que je sorte de France, parce que ça fait tellement partie de la culture française que je ne m'étais même pas rendue compte que ça n'était pas normal.

(Moi-même, je le confesse, j’ai participé activement à cette culture, à grands renforts de « haaaaan mais t’as vu comment elle est habillée comme une puuuuuuute ! » et autres « hin hin téma la meuf comme elle est habillée, c’était les soldes à la Foir’Fouille ou quoi ? »)

Mais en Nouvelle-Zélande, fi de tout cela !

Pas de chichis dans le pays où j'ai souvent croisé des gens en jogging/peignoir dans les supermarchés, et où, au premier rayon de soleil, tout le monde remise les chaussures au placard et c'est la fête du pied nu jusqu'à l'automne.

Fais ce que tu veux man, sois en harmonie avec toi-même!

Tu veux être habillé super classe et sexy dans des fringues serrées et pas confortables? Vas-y!

Tu veux te balader en tongs et en short avec un T-Shirt "Vaucluse 1991"? Fais-toi plaiz'!


(Une tenue acceptable en Nouvelle-Zélande.)


(Une autre tenue acceptable en Nouvelle-Zélande.)

En résumé, tu pourrais marcher sur Queen Street avec une crête de cheveux verts, des tatouages partout, des plaques de métal sous la peau, à poil et enroulé dans une tranche de jambon, et les gens te calculeraient MÊME PAS.

Ce qui, tu l’avoueras, change pas mal de la France, où dès que tu sors de la norme, les gens te scrutent comme s’ils venaient de découvrir qu’ils avaient des yeux. 

Donc, j’ai un message à adresser :

Lecteur, lectrice, gens : si t’en as marre du regard accusateur des petites vieilles qui dévisagent tes piercings ; si t’en as marre de te faire siffler des que tu sors en jupe ; si t’en as marre des regards dégoûtés des gens qui te voient manger une gaufre ; si t’en as marre des mères paniquées qui éloignent leurs gamins de ton chemin ; viens en Nouvelle-Zélande. Les gens s’en foutent, et on vivra tous heureux dans la paix et l’amour.



(Est-ce que j’ai aussi mentionné qu’on a les paysages du Seigneur des Anneaux ?)

3 commentaires:

  1. J'ai découvert le même bonheur depuis que j'ai posé mes valises à Paris 10 (Strasbourg Saint-Denis, tout ça). Je suis déjà sortie en short tellement effiloché que c'est un pagne, vieux T-shirt, cheveux gras, tout le monde s'en fout ! Je ne me fais pas emmerder dans la rue - à part quelques compliments, mais juste en passant, même pas le mec s'arrête -, le bon-heur. (Les paysages du Seigneur des Anneaux en moins, du coup)

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  2. Et il paraît que le taux de violence conjugale augmente les soirs où les All Black perdent leur match.

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  3. Énorme article, très très drôle, j'adore le style! Merci pour ce bon moment!!

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