samedi 28 mars 2015

Brève canine


Depuis qu’on a Penny avec nous à la maison, je me suis réconciliée avec la gent canine.

Ça ne veut pas dire que je ne reste pas foncièrement une mémère à chats au plus profond de mon cœur (team chatons pour la life), mais bon, on va dire que je me suis mollifiée par rapport à mes sentiments de départ (ambiance « les chiens ça pue et c’est pourri »).

Car oui, je l’avoue, j’aime bien de temps en temps faire des balades avec Penny. J’aime bien jouer avec elle dans le jardin. Et, de temps en temps, je me suis même surprise à lui frotter les oreilles en disant :

- Qui c’est qui est un bon chien ? Oh oui ça c’est un bon chien !

Mais ça ne me donne pas envie d’adopter un chien pour autant, parce que c'est quand même beaucoup plus fun de regarder les autres galérer.

Richard et Maria, par exemple, ont développé deux styles bien distincts face à l’éducation de leur chien.

D’un côté, on a Richard, le disciplinaire raté. Et je dis « raté » parce qu’après un mois à l’école de dressage, où Penny était le pire chien du lot, la dernière session s’est soldée par un échec total, à savoir que Penny n’a même pas obéi a « Assis » ou « Couché ».

(Mais elle a quand même reçu son diplôme, parce qu’on est chez les Kiwis et qu’ici on te file des diplômes de tous les côtés du moment que tu payes plein de thunes et que tu essayes de tout ton cœur.)

(Oui, ça vaut pour les études universitaires aussi.)

La technique de dressage employée par Richard consiste donc à essayer de maintenir une discipline pendant environ huit secondes, et puis à laisser tomber.

À la maison, c’est donc tous les jours qu’on entend la douce mélodie du :

- Penny ! Viens ici ! Penny ! Penny ! Ici ! Non, pas là-bas ! Penny ! Reviens ! Sors de là ! Penny ! Allez, ça suffit maintenant ! Papa va se fâcher ! Penny ! Je compte jusqu’à trois !

Et puis à trois, il soupire, il va la chercher, et il la porte où il veut l’emmener.

(Rappelons que ce chien fait 25 kilos, donc c’est au moins un plan qui a l’avantage de servir de programme de muscu.)

Idem pour les jeux type « lutte », genre celui où le chien et le maître tirent chacun sur une extrémité de corde. Le guide de dressage que la SPA avait fourni à Richard et Maria quand ils ont adopté Penny spécifiait qu’il ne fallait jamais laisser le chien gagner à ce type de jeux, parce qu’il fallait montrer que le maître était l’alpha.

Du coup, quand je joue avec Penny, on lutte une quinzaine de minutes parce qu'elle est costaud et que je suis une chiffe molle, mais je fais bien attention de toujours gagner.

(Et, accessoirement, de faire une danse de la victoire en agitant la corde devant elle et en criant C’EST QUI LE PATRON ?)

(Mais je crois que ça, c’est pas nécessaire).

Richard, lui, quand il joue avec Penny, attrape la corde pendant une-demi seconde et puis la lâche. Du coup, ben c’est clairement elle l’alpha, donc forcément, pour l’obéissance, on repassera.

D’autant que Richard est un grand flippé de l’autorité, genre il a peur que son chien soit traumatisé à jamais si on le soumet à un peu trop de fermeté.

(Alors que bon, c’est un chien quoi, c’est pas vraiment les êtres les plus farouchement individualistes du monde, on est d’accord.)

Du coup, dès que je réprimande Penny quand elle touche à mes affaires (à savoir : j’agite le doigt en disant « Pas bien ! Vilaine Penny ! ») (ce qui n’est pas non plus du disciplinage hardcore, tu l’admettras), eh ben je vois Richard débarquer tout affolé en disant :

- Oh là là oh là là mais qu’est-ce qui se passe ?
- Oh, pas grand-chose, Penny a chouré mes chaussettes.
- Oooooh ! Mais c’est parce qu’elle t’aime bien.



- Ouais okay, peut-être, mais c’est mes chaussettes, et elle met de la bave dessus.
- Et c’est pour ça que tu la grondais ?
- Ben oui.

Et là, Richard me regarde d’un air interloqué, puis dit :

- Bon allez Penny, viens avec papa maintenant, tu embêtes Charlotte.

Et quand elle ne vient pas (vu que ce chien ne vient jamais quand on l’appelle), il la prend dans ses bras, puis je l’entends quitter la pièce en disant :

- Là, là, ma princesse, tout va bien mon cœur, c’est fini.

De la discipline de fer, donc.

Encore que, je chambre Richard, mais il faut au moins reconnaître qu’il tente d’instaurer un semblant de discipline. Maria, elle, ne fait même pas semblant.

Car le style de Maria est plutôt « mère poule », mais pas « mère poule » laïque, hein !

Nan, « mère poule » genre JE VAIS ÉTOUFFER AVEC MON AMOUR ET APRES TU NE ME QUITTERAS JAMAIS PARCE QUE TU SERAS MORT AHAHAHAHA.

Sérieusement, elle ne laisse pas Penny hors de sa vue une seule seconde.

Et c’est littéralement « UNE SEULE SECONDE ».

Des fois, je suis dans ma chambre, ou dans le jardin, ou à la salle de bains, et je vois Penny qui débarque pour venir me lécher les mollets en frétillant de la queue. Eh bien, je compte dans ma tête, et ça ne manque jamais : une à deux secondes après que le chien débarque, j’entends Maria qui crie au meurtre :

- Penny ? Penny ? Où es-tu ? Penny ! Viens ici que je puisse te voir ! Penny ! Penny ! Penny !



Et, quand j’ai demandé à Maria pourquoi c’était si important pour elle d’avoir Penny sous les yeux en permanence, elle m’a répondu :

-  J’aime pas qu’elle soit dans le jardin toute seule parce que j’ai peur que quelqu’un vienne la kidnapper.

Alors, bon. 

Admettons.

Admettons que la pratique de kidnapping des chiens soit un truc répandu en Nouvelle-Zélande. 

Admettons aussi que des kidnappeurs de chiens traînent dans notre quartier et soient justement en train de passer dans notre ruelle loin de tout alors même que Penny est toute seule dans le jardin. 

Admettons enfin que les kidnappeurs de chiens voient Penny dans le jardin malgré la barrière de trois mètres de haut qui entoure la maison.

Mais ne même en admettant tout ça, les kidnappeurs de chiens, ils voudront jamais de ton clébard, à part pour en faire de la soupe !

Sérieusement, c’est un chien de gouttière ! Si déjà tu t’amuses à kidnapper les chiens, tu vas en prendre des qui ont un putain de pedigree, qui peuvent se revendre ! Tu vas pas t’amuser à aller kidnapper tous les bâtards qui trainent dans les coins de rue !

Mais quand j’ai fait la remarque à Maria, elle m’a juste répondu :

- Oui, mais Penny, on dirait un chien de race. Elle est tellement belle !

(Okay, c’est ma faute aussi, j’ai essayé d’utiliser des arguments logiques.)

(C’est  comme d’amener un couteau à une bagarre de flingues.)

Et cette angoisse par rapport au chien, Maria ne s’en sépare jamais. Par exemple, un jour, elle a par mégarde marché sur la patte de Penny. Eh bien, deux heures après :

- Charlotte ? Je peux te demander ton avis ?
- Oui, quoi ?
- Regarde Penny. Elle boite, non ?
- Je trouve pas.
- Regarde mieux.

- Effectivement, elle boite très légèrement de la patte gauche.
- Okay, c’est décidé, j’appelle le vétérinaire.

Sérieusement ? 

Même quand j’ai bu du mercurochrome, mes parents ont attendu plus longtemps que ça avant d’appeler le docteur !

(Bon, ça en dit peut-être plus long sur mes parents que sur Maria, mais quand même.)

Mais ce n’est pas une décision qui m’étonne, puisque Maria a une relation complètement fusionnelle avec Penny. Tellement fusionnelle qu’elle transfère tout ce qu’elle ressent à son chien.

Par exemple, quand elle l’emmène en balade, elle fait le tour du pâté de maisons une fois puis revient aussitôt parce qu’elle est fatiguée. Elle se pointe donc à la maison toute essoufflée, avec une Penny complètement surexcitée à ses côtés, et me dit en haletant :

- Ah, on a fait une belle balade ! Penny est épuisée !

Pendant que le chien est LITTÉRALEMENT en train de courir et de sauter partout.

Puis elle annonce :

- Ah, elle court partout, c’est parce qu’elle est fatiguée. Allez Penny, c’est l’heure de la sieste ! Viens manger ta friandise !

(Oui, comme Maria ne peut pas porter le chien, elle a trouvé une autre tactique : chaque fois qu’elle veut mettre Penny dans sa cage, elle lui donne une friandise.)

(Une discipline de fer, bis.)

Idem pour la bouffe : Maria est en effet persuadée que Penny doit manger trois fois par jour, puisqu’elle et Richard mangent trois fois par jour. Du coup, tous les matins, c’est la même ritournelle :

- Je comprends pas, je lui ai donné son petit déjeuner il y a trois heures, et elle n’y a même pas touché ! C’était pareil hier, et avant-hier ! Elle est peut-être malade ?
- Oui, alors elle a peut-être juste pas faim, parce que c’est un chien et pas un humain, et que c’est un truc d’humain de manger quand on n’a pas faim.
- Mmmmh.

(Serait-ce une pause de réflexion ?)

- Non, je pense qu’elle est malade.

(Ah non.)

- Tu l’as pas encore amenée chez le vétérinaire ? Ça m’étonne.
- Si, il m’a dit qu’elle était en bonne santé. Mais je pense que je vais changer de vétérinaire, celui-là c’est un charlatan.
- Pourquoi ?
- Il a dit de lui donner à manger une fois par jour ! Une fois par jour ! Mais c’est ridicule, elle va mourir de faim ! Tu imagines si on ne te donnait à manger qu’une fois par jour ?

Oui j’imagine, mais ce n’est pas comparable puisque Penny est un CHIEN ! Elle a un métabolisme complètement différent ! Je veux bien qu’on ait pas mal de gènes en commun et que sur l’échelle des êtres vivants on soit assez proches, mais faut pas déconner non plus, merde ! Tes poissons rouges aussi, tu les nourris trois fois par jour ?

Pardon, je ventile, mais faut bien que ça sorte quelque part.

Et tu imagines un peu l’état de Professeur Flaxou le scientifique quand il entend des arguments de ce type. Du genre l’autre jour, quand Maria a récupéré un énième chausson mâchouillé, et nous a dit :

- Ce chien est vraiment trop mal élevé, franchement.

Nous on était en train de se regarder, en mode :



Puis elle a continué en disant :

- Mais en même temps, elle est tellement forte tête, c’est impossible de la faire obéir.

Chose à laquelle on n’a pas pu s’empêcher de répondre en chœur :

- Si, c’est possible.
- C’est clairement possible.
- C’est l’animal le plus facile au monde à faire obéir.
- C’est le but de toute l’espèce.
- C’est la raison première de leur existence sur terre : ils sont obéissants.
- De nature.
- Sinon ce serait des loups.




(Et toc.)


Arguments que Maria a considérés pendant une-demi seconde, avant de dire :

- Oui mais Penny c’était un chien de rue ! Elle était sauvage. Du coup, vouloir la dresser, c’est un peu comme de vouloir dresser un loup.

Ah ouais, dis donc.

C’est vrai qu’elle a l’air trop sauvage, tiens :


C’est vrai que les deux jours et demi qu’elle a passés à vivre dans la rue avant d’être secourue par la SPA ont dû en faire une MACHINE À TUER, dis donc.




(Thug life.)

Par ailleurs, j’ai l’impression que Maria a tendance à penser que Penny est beaucoup plus bête ou beaucoup plus intelligente qu’elle ne l’est.

(Un extrême ou l’autre, mais jamais le milieu.)

Par exemple, quand elle ne veut pas que Penny entre dans la cuisine, elle ferme la porte-fenêtre, et ensuite s’extasie sur l’intelligence de Penny quand celle-ci fait le tour du jardin pour passer par la porte principale, que Maria avait laissée ouverte. 

Alors que franchement, le principe de contourner un obstacle, voilà quoi, c’est un chien, pas un Sim.

Mais de l’autre cote, elle dresse des règles ultra complexes, du style :

- Tiens, je croyais que Penny n’avait pas le droit de dormir sur le lit.
- Si, elle a le droit, mais seulement quand les draps sont sales.

Alors pardon, mais si tu veux une recette pour rendre ton chien bien angoissé de la vie, je pense que lui autoriser et interdire alternativement un truc, c’est le meilleur moyen.

Parce que Penny, elle n’arrivera jamais à comprendre la différence entre des draps propres et des draps sales. Moi ça fait neuf ans que je suis avec Professeur Flaxou, et j’ai toujours pas réussi a lui faire comprendre la différence entre des draps propres et des draps sales.

(Le mec, avant de me rencontrer, il changeait ses draps deux fois par an, quand il passait de la couette d’hiver à la couette d’été, mais après il disait que moi j’étais dégueulasse, parce que je me lavais pas les cheveux tous les jours.)

(C’est un homme plein de mystères.)

Mais bon, on se moque, on se moque, mais après tout, Penny est quand même un chien tolérable. Elle n’aboie pas, elle ne mord pas, elle ne fait pas ses besoins dans la maison, donc à la limite, qu’elle ne vienne pas au pied, c’est pas notre problème.


Non, ce qui est surtout fun, c’est que Professeur Flaxou et moi, on a le beau rôle des observateurs qui n’ont pas besoin de s’impliquer du tout, et qui peuvent juste juger les autres bien fort et ricaner dans leur barbe comme des gros bâtards.

(Ah ouais mais on est Français ou on l’est pas, hein.)

Et toi, t’as des gens dans ton entourage qui laissent tout faire à leurs animaux de compagnie?

(Allez, lâche-toi, je sais que ça te démange.)

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