lundi 30 novembre 2015

Brève métallurgique


Et sinon l’autre jour j’étais à mon premier concert de metal.

Enfin, techniquement, j’avais déjà été à plusieurs concerts de hard rock de papy (Scorpions, Deep Purple, Ten Years After, Alice Cooper) – mais je les compte pas vraiment comme des concerts de metal, puisque, la moyenne d’âge sur scène et dans la fosse étant de 60 ans au bas mot, l’ambiance était moins au pogo sauvage et plus à deux-trois bras levés et, pour les plus foufous, à des petits hochement de tête lors de refrains particulièrement entraînants.

Et puis j’avais aussi accompagné Flaxou une fois à un concert d’Apocalyptica à la Laiterie, mais je vois plus ça comme du classique que comme du metal.

(Les gens étaient assis pendant tout le concert.)

(ASSIS !)

Mais depuis que je me suis mise au folk metal, j’avais bien envie de me faire un vrai concert.

Sauf que la Nouvelle-Zélande est le pays le moins metal du monde.

C’est plus une vibe de plastique mou, si tu veux te faire une idée.

Faut le savoir, la tendance « Bisounours » des Kiwis se reflète pas mal dans leur goûts, et ça donne donc : de la guimauve, de la guimauve, de la guimauve. Ça va des tendances musicales (pop mièvre et surtout bien lisse et sans controverses – plutôt Meghan Trainor que Miley Cyrus) aux tendances fringues (mou et confortable), en passant par les tendances culinaires (cf. la pavlova, le dessert national, qui est… une grosse meringue).

Du coup, la scène metal, qui a déjà tendance à être relativement underground en Europe, là, elle est même plus underground, elle est six pieds sous terre.

On est passés d’un pays où il faut aller sur des radios consacrées pour écouter du metal, à un pays où les radios ne passent tout simplement PAS de metal.

Ni de rap.

Ni d’électro.

Ni quoi que ce soit qui pourrait avoir des bruits trop forts ou des gros mots dedans.

(C’est l’envers du décor du pays des Bisounours : la dictature de la gentillesse.)

(Après, on est d’accord qu’on peut faire pire, niveau cadre de vie.)

(« Han, je peux même pas jurer en public, les gens sont trop aimables tout le temps et ça les blesserait dans leur petit cœur de chaton ! Ma vie est un enfer ! »)

Bref.

Tout ceci fait qu’on était bien contents, Flaxou et moi, quand on a appris qu’Alestorm, nos pirates préférés, venaient faire une tournée en Nouvelle-Zélande et en Australie.


(Ce clip te donne une bonne idée de l'ambiance.)

C’est donc bien guillerets et pleins d’entrain qu’on a bravé les vents à 100 kilomètres heure (les joies de vivre en zone subtropicale) pour se rendre au Whammy Bar sur K’ Road.

Petit aparté pour les non-Aucklandais (je sais qu’il y en a deux-trois parmi vous) : K’ Road, c’est un peu une institution à Auckland. C’est une rue du centre-ville, perpendiculaire à Queen Street, et de son vrai nom Karangahape Road, mais c’est vraiment que pour les services de la poste, parce qu’ici, tout le monde la connaît sous son petit nom de K’ Road (prononcez « Qu’eille rwaude »). À tel point que même les commerces situés dessus indiquent « K’ Road » dans leurs coordonnées, plutôt que « Karangahape Road ».

(Oui, même les rues ont des surnoms dans ce pays.)

(Apparemment ça leur suffit pas de raccourcir tous les prénoms de tous les gens, cf. les trois millions de "Dave", "Rob", "Phil" et "Mitch".)

Bref, K’ Road, c’est un peu le coin sulfureux d’Auckland. La rue est progressivement passée du statut d’artère commerciale dans les années 1950 à coin mal famé dans les années 70, quand tous les Aucklandais ont commencé leur exode massif vers les « suburbs » et que K’ Road est devenu une rue à putes et à dealers. Puis, apres les années 90 (quand les Aucklandais ont réalisé qu’en fait c’était sympa de vivre en centre-ville), K’ road est progressivement devenue l’épicentre de tout ce qu’Auckland parvient à conjurer comme contre-culture.

En gros, on y trouve maintenant des salons de tatouage, des galeries d’art alternatif, des clubs LGBT, des bars punk/électro/goth/metal, et encore quelques bordels pudiquement déguisés sous des noms comme « Exotic Club ».

(Fun fact : la prostitution est tout à fait légale en Nouvelle-Zélande, mais les Kiwis sont tellement incroyablement prudes qu’ils tomberaient raide morts s’ils devaient appeler une chatte une chatte, donc, bien que parfaitement en règle, les bordels ne portent jamais le nom « bordel », mais toujours quelque chose du type « massages exotiques » ou « club spécialisé ».)

Mais comme la hipstérisation d’Auckland est en bonne marche depuis le début des années 2000, on trouve aussi sur K’Road force restaurants végétariens, boutiques de fringues vintage, et une masse incroyable de « cruelty-free shops », qui auraient franchement plus vite fait de s’appeler « Je suis une meilleure personne que toi ».

(Sans déconner, ils vendent des T-Shirts à messages genre I support animal rights, ou des panneaux décoratifs This house is 100% cruelty-free. Sérieusement ? Tu pourrais aussi bien avoir un panneau chez toi pour dire « On va vous prendre la tête toute la soirée », le message serait le même.)

Bref bref Brejnev.

On a eu du mal à trouver le Whammy Bar, parce qu’il n’y a strictement aucun signe extérieur que le bar existe, et que le numéro de rue n’est pas indiqué non plus. On a juste suivi les gens avec des chapeaux de pirate et on a attendu dehors avec eux.

(Je m’attendais presque à voir le bar surgir par magie entre deux bâtiments, comme la maison de Sirius Black.)

Après quelques minutes de glandouille devant les vitrines des magasins de hipster (durant lesquelles j’ai appris avec effroi qu’il existait des livres de recettes végétaliennes pour CHIENS) (Est-ce que ce monde est sérieux ?), on est entrés dans une minuscule pièce six mètres sous terre, tellement basse que Fla pouvait toucher le plafond en levant la main, et en fait c’était le bar.

On a vite compris que c’était un bar « grunge » quand ils ont filé une bière à Fla dans un gobelet en plastique, et que, quand j’ai demandé un Coca, j’ai reçu une canette tiède et pas de verre.

(Même pas ils ont peur de l’urine de rat.)

(Trop des punks, les gars.)

C’était tellement un bar de punks que j’avais reçu aucune programmation quand j’avais acheté mes tickets : ca disait juste « Alestrorm’s PirateFest with Lagerstein » et « Bar opens at 8:30 ». Donc on s’est pointés à 20h30 en se disant que la première partie (Lagerstein, donc, qu’on ne connaissait pas) arriverait vers 21h.

À 21h, un groupe arrive sur scène, joue 6 chansons, c’était moyen, mais bon, c’est l’avant-groupe quoi.

À 21h45, un groupe de mecs habillés en pirates arrive sur la scène, on se dit « Ouééé chouette c’est Alestorm ! ». Le seul truc chelou, c’est que le chanteur avait pas du tout la même tête que sur l’affiche du concert, mais ressemblait à Tupac. Bon, je me suis dit, il a changé de coupe de cheveux. Les gars commencent le concert, c’était du pirate metal, c’était sympa, par contre :

- C’est bizarre, je reconnais aucune des chansons.
- Moi non plus. Ça doit être de leur nouvel album.

Et puis, à 22h15, les gars finissent leur chanson, et se cassent de scène sans un mot. Pas de rappel, rien.

Donc, grosse incrédulité chez Fla et Cha les neuneus :

- Mais…c’est fini ?
- Pas possible ! Ils ont joué genre cinq chansons ! Et même pas des connues !
- Mais  les techniciens sont en train de démonter tout l’équipement.
- Alors…qu’est-ce qu’on fait ?
- Ben… on rentre ?

Mais là, j’étais pas d’accord.

Je veux bien que les concerts en Nouvelle-Zélande finissent tôt pour que ce peuple entier de poules puisse aller au lit à 21h30 le samedi soir, mais là, on était sur K’ Road, merde ! Ils font des RAVES sur K’Road ! Y’a des techno parades sur K’Road ! Je refuse de croire qu’on concert de pirate metal s’arrête à vingt-deux heures sur K’Road!

Donc je suis allée voir un barman, et s’en est suivie la conversation la plus humiliante de mon existence :

- Excusez-moi… le concert est fini, là ?
- Ben non.
- Mais… ils reviennent quand, Alestorm ?
- Ils sont pas encore arrivés.
- ….
- Mais… c’était pas Alestorm, juste là?
- Ben non. C’était l’avant-groupe, Lagerstein.
- Mais….c’était pas les gars du tout début, Lagerstein ?
- Ah non, ça c’était juste des potes à nous, on leur a dit qu’ils pouvaient jouer deux-trois chansons pendant que les vrais groupes se préparaient.
- Aaaaaaah, d’accord !
- …
- Et sinon, il faut combien de shots de tequila pour noyer sa honte?
- Je dirais six.
- Je vais vous en prendre huit.


(Il faudra bien ça)

Cette soirée sera désormais connue dans notre famille sous le nom « Les sous-doués en concert », ou « Dumb et Dumber aiment le metal ».

(On n’a pas encore choisi.)

Au final, c’était un concert super cool même si on a failli se casser avant que le groupe qu’on était venus voir n’arrive.

J’étais assez étonnée qu’un groupe comme Alestorm, qui est quand même assez connu, accepte de venir jouer au fin fond d’une taverne du bout du monde pour même pas cent pékins, alors qu’ils ont joué devant 20 000 personnes au Hellfest cette année, mais ils étaient plein d’entrain et de rhum et ont assuré le show sans relâche.

Ce qui n’était pas si évident, quand on sait qu’on était environ cent personnes dans 80 mètres carrés, au sous-sol d’une cave sans fenêtres ni ventilation.

Bref : ça fouettait la transpi et les murs dégoulinaient de l’humidité conjointe des respirations haletantes de tous les métalleux en train de headbanger furieusement.

(Mais c’est bien, ça fait du fitness.)

(Normalement je paye un abonnement à la gym pour transpirer comme ça.)

Comme c’était mon premier vrai concert de metal, j’étais bien contente d’avoir Flaxou le vétéran avec moi :

- Y’a de la place tout devant, super !
- Non. Tu veux pas aller tout devant. C’est là que ça pogote.
- Oh c’est bon, y’a genre vingt kékés, ça peut pas être bien méchant, si ?

(Réponse : si.)

Et comme le concert a commencé direct avec un mini-wall of death, j’ai vite perdu Professeur Flaxou, qui m’a regardé, a crié « Han nan j’ai oublié mon protège-dents ! », puis s’est jeté dans la masse de cheveux et de bière en hurlant « YOLOOOOO ».

Du coup, je me suis vite repliée sur ma stratégie habituelle lors des concerts, à savoir : trouver un groupe de gens petits et bien placés, et leur dire « J’peux squatter avec vous ? Je vois rien parce que je suis trop minuscule ».

En général, je peux compter sur la solidarité du peuple des petits (on est toujours plus soudés parmi les foules). Mais ce concert-là a dépassé toutes mes attentes.

Parce que quand j’ai avisé un groupe de petits perchés sur une banquette et que je me suis approchée, j’ai vu que l’un des gars avait un tatouage en elfique autour de l’avant-bras. Alors j’ai dit « Vous avez de la place pour un petit Hobbit qui voit rien ? », et avant de comprendre ce qui se passait, j’étais debout sur la banquette, avec une bière dans la main, des bras suants autour de mes épaules, et trois petits barbus qui m’entouraient en scandant « ONE OF US ! ONE OF US ! »

(Ne sous-estimons jamais le pouvoir des nerds.)

Vers la fin du concert, Flaxou (qui avait eu sa dose de pogo après s’être malencontreusement pris un coup de coude dans les côtes) est venu me retrouver chez mes nouveaux potes, et on a fait du headbanging tous ensemble, c’était beau.


Y’avait aussi les gars de Lagerstein qui ont démarré une chenille dans le public, des filles habillées en courtisanes qui sont venues danser sur scène pendant « Wenches and Mead », un gars qui a essayé de faire un bain de foule et qui s’est retrouvé écrasé contre le plafond comme une mouche, le plancher a failli s’effondrer quand tout le monde a piétiné le sol pendant « Wooden Leg », et je me suis faite fouetter le visage par au moins cinq chevelures différentes.

C’était drôlement chouette.

Bémol : les effets secondaires d’un concert de metal quand on est postés à cinquante centimètres des amplis :

- EH C’ÉTAIT UN BON CONCERT HEIN ?
- COMMENT ?
- JE DIS : C’ÉTAIT UN BON CONCERT !
- OUI, JE MANGERAIS BIEN UN BURGER. AVEC DES FRITES ?
- AH OUAIS, ILS AVAIENT BIEN LA FRITE !
- COMMENT ?

Bémol plus traître : Papy et Mamie les métalleux le lendemain matin :

- Ooooh, ma nuque !
- Oooooh, mes côtes !
- J’ai des ampoules plein les pieds.
- J’ai tellement mal au crâne.
- D’où sort ce bleu sur mon mollet ?
- Qu’est-ce qui sent la sueur rance ?
- Y’a de la bière sur mes chaussures.
- Pourquoi y’a des frites dans le lit ?

C’était une belle soirée.

- On se recouche ?
- D’accord, mais pas avec les frites quand même.
- Nan mais ça c’est bon, je les ai mangées.
- Oh t’abuses Fla !
- …
- J’avais faim aussi. Merde.

vendredi 27 novembre 2015

L'Instant Kiwi: le Référendum


Comme tu le sais déjà si tu suis ce blog (ou si tu regardes la partie « light » à la fin des infos), en Nouvelle-Zélande, on est en train de changer de drapeau.

Enfin, on est en train de faire un référendum pour savoir si les néo-zélandais veulent changer de drapeau.

Sauf qu’en fait on sait déjà qu’ils ne veulent pas changer de drapeau.

Mais on leur demande quand même.

C’est beau la démocratie.

Bref, cette semaine, je vais voter pour la toute première fois dans ce pays (en Nouvelle-Zélande, on n’a pas besoin d’être citoyen Néo-Zélandais pour avoir le droit de vote, il suffit d’avoir le statut de Résident) (qui, on s’en souvient, n’a pas été de la tarte à obtenir). C’est juste un peu dommage que mon premier vote soit pour le référendum le moins utile de l’histoire du pays, mais on va pas faire la fine bouche non plus, hein.

Un petit rappel des faits avant de rentrer dans le vif du sujet : en Nouvelle-Zélande, on a donc un drapeau, que voici :

C’est le drapeau officiel du pays depuis 1902, et ce n’est pas une coïncidence du tout s’il te fait très vaguement penser au drapeau de l’Australie, qui, lui, existe depuis 1901 :


(On sait qui a copié sur qui.)

John Key, notre Premier Ministre alien reptilien préféré, en a donc eu marre de se faire toujours confondre avec l’Australie, et a décidé qu’il était temps de changer de drapeau.

Du moins, ça, c’est la version officielle.

La version officieuse étant que John Key est sur la sellette en ce moment, que c’est son troisième et peut-être dernier mandat en tant que Premier Ministre, et qu’il n’a rien fait pour la postérité (contrairement à sa prédécesseure du parti adverse, Helen Clark, probablement la figure politique néo-zélandaise la plus populaire de tous les temps). En plus de ça, il est en train de passer loi controversée sur loi controversée, notamment le terrible et redouté TPPA (Trans-Pacific Partnership Agreement), un traité commercial entre les poids lourds industriels du Pacifique (pense Chine, USA, Australie, et Nouvelle-Zélande, donc) que les entreprises accueillent bras ouverts, mais que les particuliers redoutent comme la peste, entre autres à cause du pouvoir quasi illimité que le TPPA pourra conférer aux grosses compagnies. 

Donc, le référendum sur le drapeau, c’était un moyen idéal pour John Key de distraire le peuple durant les débats (secrets) sur le TPPA, et une occasion de passer dans l’Histoire de la Nouvelle-Zélande en tant que premier mec qui a eu l’idée d’arrêter de copier le drapeau de l’Australie.

Seul bémol : les Kiwis ne veulent vraiment pas du tout changer de drapeau.

Ils sont très contents avec celui qu’ils ont, et ils s’en foutent comme de leur premier pull en laine qu’il ressemble à celui de l’Australie, puisque de toute façon ils sortent jamais de leur pays.

Du coup, John Key se retrouvait avec deux options pour faire marcher son plan :

1. Faire passer un vote au Parlement pour changer de drapeau, comme ça a été le cas plusieurs fois au cours des 50 dernières années ; le vote aurait été rejeté, puisque les députés ont mieux à faire que s’inquiéter d’un drapeau, et les élus de l’opposition n’auraient pas manqué de critiquer le Premier Ministre sur son sens des priorités, au moment où la Nouvelle-Zélande fait face à une crise du logement, de l’emploi, et du secteur primaire.

2. Faire un référendum auprès du peuple, qui aurait été un NON massif.

Dans les deux cas, c’était non.

Mais John n’est pas le genre de gars à baisser les bras facilement, particulièrement quand il a un besoin urgent de détourner l’attention du TPPA (AKA le pacte avec le Diable qu’il est en train de signer avec son sang).

Du coup, on se retrouve avec un processus de référendum complètement n’imp : au premier tour (qui se passe en ce moment), on nous demande : « Si le drapeau de la Nouvelle-Zélande venait à changer, quel serait votre design préféré parmi ces cinq-là ? ». Et ENSUITE, au deuxième tour, on nous montre le design qui a gagné le premier tour, à côté du drapeau actuel, et on nous demande « Alors vous voulez garder lequel ? ».


(J’adore l’optimisme du gouvernement qui met un point d’interrogation à la place du gagnant, genre on fait semblant de pas savoir que ce sera l’ancien drapeau.)

Cette méthode est, de la bouche de Key lui-même, la meilleure technique pour avoir une infime chance de changer le drapeau, puisqu’il a littéralement dit aux critiques qui lui reprochaient le non-sens du référendum :

- Ben oui, mais si on avait mis le drapeau existant au premier tour, évidemment, tout le monde aurait voté pour celui-là !

MAIS ???

MAIS TU VIENS D’AFFIRMER QUE PERSONNE NE VEUT CHANGER DE DRAPEAU !!!

TU VIENS D’ADMETTRE PUBLIQUEMENT À QUEL POINT CE RÉFÉRENDUM EST INUTILE !!

Non, vraiment, c’est une défense imparable.

Et quand les critiques lui ont demandé « John, pourquoi avoir dépensé 26 millions de dollars dans un référendum dont personne ne veut, et, en sus, avoir compliqué le processus de sorte que cette farce ne puisse même pas se terminer au premier tour et économiser un minimum de deniers publics ? », il a répondu, je cite de mémoire :

- On espère qu’entre la fin du premier tour et le début du second, les gens auront le temps de s’habituer au nouveau design, et qu’au moment du vote final, ils auront réalisé qu’un nouveau drapeau, finalement, c’est pas si affreux comme idée.

Eh ben mon vieux, c’est beau de rêver.

(Un homme politique avec une défense en carton pareil, c’est pas permis.)

(En France, il aurait déjà la tête au bout d’une pique.)

Bref, du coup, tout le monde est très énervé (enfin, énervé à la Kiwi, hein : ça bougonne « Quand même, c’est pas très sympa »). 

Et nous voici maintenant face à la première phase du référendum.

Et comme j’ai reçu le courrier il y a deux jours et que je suis trop enthousiaste, je t’ai mitonné un unboxing aux petits oignons:

Première surprise, c’est un référendum par courrier : on nous envoie une enveloppe avec le bulletin de vote et les instructions, et on renvoie ça par la poste dans une enveloppe pré-affranchie. 

(Ce qui me choquerait comme étant un procédé extrêmement dangereux et pas fiable du tout s’il s’agissait d’un vote sur n’importe quoi d’autre, mais bon, c’est le référendum sur le drapeau, quoi.)

(Et puis toi-même tu sais que le taux de participation serait encore plus bas qu’il ne l’est déjà si on devait traîner les gens dans un bureau de vote.)

Par contre, autant j’ai beaucoup de mauvaises choses à dire sur le principe de ce référendum, autant, sur la forme, je ne peux qu’applaudir les efforts du gouvernement, qui a vraiment tout fait comme il fallait.

(Au moins ils ont fait une chose de bien avec leurs 26 millions.)

Parce que clairement, niveau com, la France peut en prendre de la graine, on a le tiercé gagnant:

1. Des instructions de vote claires et précises:



(Tu noteras l’absence totale de jargon administratif – un doux rêve dans l’Hexagone.)

2. Des explications sur ce que symbolise chaque drapeau, assortis d’illustrations sympas qui mettent le drapeau en situation (flottant sur un mât, cousu sur un sac, etc.):



3. Les instructions de vote disponibles dans TOUTES LES LANGUES PARLÉES DANS CE PAYS:


Et, bonus, tu peux même retrouver les descriptif des 5 drapeaux dans ta langue, et en langue des signes néo-zélandaise, sur le site web du gouvernement.

Là, franchement, je dis : bravo.

(C’est pas en France qu’on aurait l’ouverture d’esprit suffisante pour se fendre de traduire des communiqués officiels en arabe, en chinois, en allemand ou en portugais.)

(Et pourtant, c’est pas faute de connaitre des immigrés qui galèrent avec le français – en particulier le français écrit, et encore plus particulièrement le jargon légal.)

Niveau processus, c’est assez prise de tête, mais heureusement, le gouvernement t’explique tout ça patiemment avec des petits dessins de fruits et légumes : 



(Au début je trouvais ça choquant que le gouvernement prenne à ce point les gens pour des neuneus qu’il en vienne à faire des schémas pour enfants de cinq ans. Mais entre-temps, ma banque m’a envoyé des explications sur mon plan d’épargne sous forme de dessins de beignets, alors bon…)

(Tout à fait, des dessins de beignets. Pour expliquer la répartition entre les différentes contributions.)

(Parce que les graphiques, ça fait peur, ça fait mal au crâne. Mais si c’est des graphiques en forme de beignet… ça va.)

Bref bref.

Pour notre référendum, au lieu de choisir simplement ton design préféré, tu dois les lister dans l’ordre, avec en numéro 1 ton choix préféré, et en numéro 5 celui que tu aimes le moins. Si l’une des options est numéro 1 pour plus de 50% des bulletins, elle gagne d’office, mais au vu des sondages, c’est largement improbable, parce qu’aucune option ne fait l’unanimité.

(En même temps, c’est normal, la majorité de l’opinion publique estime que toutes les options sont à chier, vu qu’ils aiment le drapeau comme il est.)

Bref.

Si, comme ça paraît être le cas, aucun gagnant ne se démarque clairement, le drapeau qui comptabilise le moins de numéros 1 est dégagé de la compétition. Ensuite, on récupère les bulletins de vote de tous les gens qui avaient voté pour ce drapeau-là comme numéro 1, et on enregistre leur option numéro 2 dans le scrutin. Puis on continue comme ça par élimination, jusqu’à ce que le drapeau le moins détesté arrive à plus de 50% des votes.

(Un procédé de scrutin aussi tiède et mou que l’enthousiasme que suscite ce sujet.)

Alors, plongeons maintenant dans les options de visuels.

Il faut savoir avant toute chose que je suis l’une des rares personnes dans ce pays qui a vraiment envie de changer de drapeau. Je trouve que le référendum est une perte de temps et d’argent parce qu’il est clair que la majorité des gens sont contre le changement, mais, tout à fait personnellement, je pense que ce serait une excellente idée de changer de drapeau. (Déjà pour la similitude avec l'Australie, mais aussi et surtout parce que c'est une relique du colonialisme qui ne reflète plus le pays aux temps modernes.)

Ça veut dire que, contrairement à la grande majorité des Kiwis, je m’intéresse réellement aux designs proposés. Alors voyons un peu nos choix.

Je vais d’abord expédier rapidos les deux visuels siamois de Kyle Lockwood (un architecte Kiwi expatrie à Melbourne) (oui, je sais, le mec n’habite même pas en Nouvelle-Zélande, mais si on devait enlever tous les Kiwis en Australie de l’équation, il resterait plus grand-monde). Pourquoi je les expédie ? Parce que je les trouve non seulement inutiles au possible, mais aussi franchement hideux :



Juste deux commentaires :

1. Même dans les explications sur la symbolique du drapeau, on voit que Kyle Lockwood est le mec le moins inspiré du monde :

- Alors en fait je voulais faire un drapeau exactement comme celui qu’on a déjà, mais j’ai rajoute une fougère, parce que j’aime bien, et…c’est…heu… *coup d’œil sur sa paume* heu c’est l’UNITÉ NATIONALE, voilà !
- Et votre second design ?
- Bah c’est pareil mais avec du noir au lieu du rouge. J’ai choisi le noir parce que… heu… les All Blacks ? Non attendez c’est pas ça que je devais dire, merde. C’est, c’est *coup d’œil* ça REPRÉSENTE NOTRE PASSE ET NOS VICTOIRES ET NOTRE FIERTÉ ET NOTRE FORCE, voilà !

2. QUI a eu l’idée criminelle d’admettre deux options qui ont strictement le même design – avec juste une couleur de différence – quand on avait recours à des options aussi merveilleuses que laser kiwi ??


(Avoue que ça pète quand même plus que l’UMP des vegans là-haut.)

Donc, ces deux drapeaux-là, je pense que tout le monde a compris que je ne les porte pas dans mon cœur. Je trouve que les designs ne sont pas inspirés et que les explications derrière sentent la justification symbolique à deux ronds.

(Pourquoi est-ce que le noir symboliserait le passé et les victoires du peuple néo-zélandais ? Le noir peut être le symbole du peuple Maori, donc pour le passé, d’accord, mais, niveau victoires, pardon mais je pense que vous avez pas bien compris le concept de colonisation.)

Et ça me désole un peu, parce que ces deux options-là sont justement les moins détestées parmi mes compatriotes (rapport au fait que c’est elles qui se rapprochent le plus du drapeau actuel), et, du coup, y’a à peu près 90% de chances pour que ce soit l’un des deux visuels qui soit sélectionné pour le deuxième tour.

(Mais comme c’est de toute façon le drapeau actuel qui va l’emporter, ça sert pas à grand-chose de se prendre le chou.)

Il nous reste donc trois options, qui sont toutes vaincues d’avance, mais je vais quand même me pencher un peu dessus, parce que je trouve qu’elles sont intéressantes quand même :

D’abord, on a la Silver Fern en noir et blanc, par Alofi Kanter, un stewart pour Air New Zealand (et le seul parmi le panel à ne pas être un designer de profession) :


Simple, sobre, efficace. Niveau symbolique, c’est clairement l’option qui serait la plus aisément reconnaissable à l’étranger parmi les trois restantes, et, comme le dit l’auteur, la fougère est l’emblème officieux et officiel de la Nouvelle-Zélande depuis des dizaines d’années : on la trouve sur notre monnaie, sur les passeports, dans les logos du gouvernement, bref : elle est partout.

Deux petits bémols : d’abord, je trouve ça fichtrement dommage qu’aucune des options ne soit LA silver fern, AKA la fougère blanche sur fond noir, parce que je trouve que c’est beaucoup plus joli que le design bichrome d’Alofi Kanter :

Deuxièmement, je trouve le visuel de la fougère un peu simpliste, et surtout, c’est un détail, mais ce n’est absolument pas correct d’un point de vue botanique. Parce qu’une fougère n’a pas deux feuilles qui poussent du même côté. Une fougère, ça a les feuilles décalées, comme ça :


(Pour le coup, le design moche de Kyle Lockwood est beaucoup plus proche d’une vraie fougère, admettons-le.)

Ensuite, on a le drapeau Koru, par Andrew Fyfe, un photographe/designer (et, pour la petite histoire, l’arrière-arrière-arrière neveu de Kate Sheppard, une figure historique du pays, qui s’est battue pour le droit de vote des femmes – et, au passage, figure sur nos billets de 10 dollars).

Bref, voilà le drapeau Koru :


Le koru, c’est le nom maori pour désigner la fougère qui est en train de pousser, mais n’est pas encore développée. Dans la nature, ça ressemble à ça :


Le koru est un symbole très fort et un élément emblématique de l’art maori, et son symbolisme (le renouveau, la vitalité) saute aux yeux même si on n’est pas Maori. (J’veux dire, c’est une pousse de plante, j’vois pas comment tu peux passer à côté.) 

Côté design, j’aime bien le style « Yin-Yang » et l’harmonie qui se dégage du drapeau. C’est personnellement mon visuel préféré, tant par l'esthétique que par la symbolique (l’harmonie, la vitalité, la reconnaissance de la culture maorie – autant de choses qui font cruellement défaut au drapeau actuel). Ma seule réserve est que, pour le reste du monde, bah, c’est une spirale, quoi.

(Et comme le résume si bien Professeur Flaxou : « Moi je vote pas pour ce drapeau en forme de tentacule, je veux pas qu’on pense que je suis fan de hentaï ».)

Et on arrive à la dernière option, le « Red Peak » :


Pour la petite histoire, il était censé au départ n’y avoir que quatre choix de drapeau dans le référendum. Le Red Peak a été ajouté plusieurs semaines après l’annonce des quatre designs officiels, suite à un mouvement de protestation né sur les réseaux sociaux, qui déplorait le fait que deux des quatre visuels soient exactement les mêmes, et avait demandé officiellement au Premier Ministre d’intégrer le Red Peak (qui avait amassé pas mal de supporters avant d’être rejeté par le comité) comme option alternative à l’un des deux designs de Kyle Lockwood. Suite à quoi John Key a déclaré qu’il n’enlèverait aucun design de la course, mais que bon, si ça nous fait plaisir, allez hop, on rajoute le Red Peak.

(Ma théorie est qu’il était tellement heureux de voir des gens qui s'intéressaient à un nouveau visuel qu’il voulait pas se tirer une balle dans le pied en refoulant les quinze kékés qui allaient voter à ce référendum.)

Le Red Peak a été créé par Aaron Dustin, un Product Designer Kiwi qui vit lui aussi à Melbourne (décidément), et qui semble être le seul designer du panel à avoir très sérieusement réfléchi à la symbolique de son drapeau (là où les autres commentent leur choix avec des « ça me semble évident » ou « j’aime bien, c’est joli »).

Le Red Peak, selon son créateur, symbolise donc plein de choses : on y retrouve les couleurs de l’Union Jack (blanc, rouge et bleu), mais aussi le noir des Maoris. Le motif est inspiré du taniko (la technique de tissage traditionnelle maorie):


Le Red Peak représente une montagne (référence aux Alpes du Sud), avec la terre en rouge, le ciel noir à gauche, et la mer en bleu à droite. C’est aussi une référence à Rangi et Papa, le mythe fondateur de la création du monde chez les Maoris (pour rappel : Rangi est le ciel/père, Papa est la terre/mère, ils étaient enlacés dans une étreinte éternelle jusqu’à ce que leurs enfants les séparent de force et créent ainsi le monde).

C’est probablement le visuel le plus réfléchi du lot, et le plus complet. Les autres designs ont tendance à se concentrer sur l'héritage maori ou britannique, et je trouve que le Red Peak a réussi l’exercice casse-gueule d’inclure tout ce qui est Kiwi (l’histoire maorie, l’héritage britannique, la célébration de la nature et de la terre néo-zélandaise), le tout en restant simple et sobre. 

Le seul truc que je trouve un peu dommage, c’est qu’on s’éloigne du visuel de la fougère – et OK, je peux comprendre qu’en tant que Kiwi, on en ait marre de bouffer de la fougère dans tous les sens ; mais sachant que le but premier d’un drapeau, c’est de représenter sa nation à l’étranger, je trouvais que la fougère (ou le koru) était une façon de reconnaître la Nouvelle-Zélande d’un seul coup d’œil. Là, au premier coup d’œil, ça pourrait être le Népal, ou l’Autriche, ou toute autre nation montagnarde.

Malgré ça, j’aime bien la tête du Red Peak, et j’aime bien la symbolique qu’il y a derrière. 

Mais comme je suis une enfant de hippie et que je ne peux pas résister à l’appel à l’harmonie que me lance le Koru, ce sera quand même celui-là mon premier choix, avec le Red Peak en second.

Apres, bon, faut savoir que le visuel du koru est le moins populaire dans le pays, donc y’a des chances que ce soit le premier éliminé. Mais comme de toute façon, tout est perdu d’avance, j’ai pas besoin de « voter utile ».

En plus, je suspecte que je serai probablement la seule personne du pays à voter pour de vrai, étant donné que la dernière tendance en date sur les réseaux sociaux est de poster des bulletins de vote disant « Votre référendum c’est du caca »:



Même une députée du Parlement a rendu son bulletin de vote nul et l'a fièrement posté sur Facebook, en mode "LOL je viens de gâcher l'argent d'un timbre, prends ça dans ta face le gouvernement!":


(Hardcore.)

Bref, c'est tout pour le moment, on se retrouve en mars pour le round 2.

En attendant, je coupe les discussions politiques, et ça va parler RPG et metal prochainement sur le blog.

(Prépare-toi.)

samedi 7 novembre 2015

Vis ma vie avec Professeur PC


Et sinon Flaxou et moi on a déjà décidé quels cadeaux on allait s’offrir pour Noël.

(La romance meurt quand le compte commun s’ouvre.)

Et non seulement on est un vieux couple qui s’achète soi-même ses propres cadeaux, mais en plus on a décidé de se faire des cadeaux assortis, à savoir : mon cadeau c’est un nouveau PC, et le cadeau de Fla c’est un nouvelle carte graphique.

(3615 le Noël des geeks.)

Mais bon, faut savoir que c’était entièrement l’idée de Flaxou, et je l’ai combattue tant que j’ai pu :

- Un nouveau PC ? J’ai pas besoin d’un nouveau PC ! Celui-là il est quasi neuf, je l’ai depuis même pas un an !
- Mais c’est moi qui te l’ai donné quand j’ai upgradé le mien. Ton PC, il a déjà presque quatre ans.
- Quatre ans ! Mais c’est rien quatre ans !
- …
- Regarde un enfant de quatre ans, il est pas vieux !
- Ouais, mais un hamster de quatre ans, il est très très vieux.
- … donc tu dis que mon PC est un hamster ?
- En tout cas c’est pas un enfant.

Et là, on touche à l’un des plus grands clivages de notre couple.

Petit rappel des plus grands clivages de notre couple, dans l’ordre d’importance :

4. Politiquement, Flaxou est plutôt au centre et moi plutôt à gauche (mais tant qu’il devient pas un partisan du grand patronat, ça va).

3. Flaxou préfère les bonbons et moi je préfère le chocolat.

2. Flaxou dit que l’homéopathie c’est de la merde, et moi je pense que des fois ça marche si on y croit vraiment et qu’on a le cœur pur et qu’on fait un vœu sur une étoile filante. (Non, mais honnêtement, pour les petits trucs genre les aphtes ou les bleus, je pense que ça marche vraiment.)

1. Flaxou aime le céleri alors que c’est l’aliment du démon.

(Fort heureusement, on déteste tous les deux le concombre avec la même hargne, alors ça rattrape.)

Et on peut ajouter à cette liste notre idée très différente de la péremption des objets électroniques.

(Pas la péremption des trucs mangeables – là y’a pas de soucis, on vit tous les deux selon le principe de « Si ça pue pas trop, on le fait bien cuire, et roulez jeunesse ».)

(Alors oui, certes, des fois on s’empoisonne, et oui, certes, peut-être qu’un jour on aura la salmonellose, mais en attendant, on se construit une immunité du feu de Dieu.)

(Amène-moi ton virus des zombies quand tu veux, moi  je mange des yaourts périmés de trois semaines, j’ai pas peur.)

Bref.

Pour Flaxou le technophile, un objet électronique qui a plus d’un an, il est vieux. Alors pour les téléphones portables il s’en fout un peu, parce qu’il les utilise juste pour le boulot (son téléphone a donc trois fonctions : téléphone, réveille-matin, et agenda). Mais le PC sur lequel il passe sa vie, tu peux être sûr qu’il va le pimper jusqu’à la moelle.



(Restez en ligne pour notre prochain épisode de Confessions Intimes: "Je vis avec un jacky des ordinateurs".)

Dans un monde idéal, Flaxou changerait de PC tous les six mois. Dans le monde véritable des gens qui ne font pas caca des lingots d’or, il se contente d’upgrader un morceau de PC tous les trois mois : nouvelle barrette de RAM, nouveau clavier rétro-éclairé, nouvelle souris tactique avec mille boutons, nouveau tapis de souris avec le petit coussin pour pas se fatiguer le poignet, nouveau casque anti-bruit avec le micro ultra-puissant qui capte les conversations des voisins à travers le mur, etc.

Et, au bout de deux-trois ans, quand même les nouveaux équipements ne peuvent plus le distraire de l’obsolescence honteuse de sa machine, il s’achète une toute nouvelle tour et un nouvel écran, moi je reçois les vieilleries, et tout le monde est content.

En gros, ça fait bientôt dix ans que j’ai jamais eu à acheter un seul truc pour mon ordinateur. Je reçois constamment des trucs high-tech alors que j’en ai même pas besoin – par exemple, en ce moment, j’utilise une souris pour gamer à la sensibilité au poil de cul, qui a pas moins de SIX boutons auxquels je n’ai jamais touché, et qui est tellement tactique qu’elle a des POIDS qu’on peut changer pour qu’elle soit plus ou moins lourde. Et je m’en sers principalement pour… aller sur Facebook.

(UTILITAY)

Mais moi, en matière de technologie, je suis plutôt de la vieille école. Comme je dépensais toujours tout mon argent de poche en bouquins, j’ai toujours fait dans le bas de gamme pour mes engins électroniques, et je suis une adepte du bon vieux principe de mamie « J’en achèterai un neuf quand celui-ci sera cassé ».

C’est notamment la raison principale pour laquelle je me trimballe un Nokia à clapet depuis 2007.



(Glamour)


Alors il y a quelques années, j’avais juste l’air d’une plouc et j’étais tranquille. Mais depuis un ou deux ans, pour ma plus grande horreur, je suis devenue vintage

J’ose même plus consulter mes SMS en public, parce qu’à chaque fois, je me fais assaillir par des hordes de hipsters en train de piailler :

- Hi hi hi, ce clapet qui protège ton écran ! Trop rétro !
- Han, ce clavier à touches ! Tellement vintage !
- Oh là là, ce format compact, mais c’est tellement chou !

STOP. Arrêtez de faire genre vous en avez jamais vu, vous avez le même âge que moi, on utilisait tous ça y’a dix ans.

Et juste pour le fun, voici quelques morceaux de conversations VÉRIDIQUES que j’ai eues avec des gens de ma génération à la vue de mon téléphone portable, assortis comme il se doit de GIFs illustrant ma réaction auxdits commentaires :

- Ouaaah et y’a même pas de caméra sur ton machin, tu peux même pas prendre de photos !
- Non, j’ai un appareil photo pour ça.
- Nan mais j’veux dire, tu peux même pas prendre de selfies !




(Est-ce que ce monde est sérieux?)

- Wooo mais ton truc il a même pas accès à Internet ! Comment tu fais ?

- Ben je vais sur Internet à la maison.
- Mais quand t’es pas chez toi ? Par exemple, quand t’es dans les transports en commun, tu fais quoi ?
- Ben je lis un livre.
- Mais alors tu trimballes un LIVRE ENTIER avec toi dès que tu sors ?



(Ça s’appelle un livre de POCHE pour une raison, tête de nœud !)

- Mais t’as des jeux là-dessus ?
- Oui. C’est pas des jeux en ligne, mais j’ai des jeux.
- Comme quoi ?
- Bah des sudokus, des casse-briques, snake…
- WOOOOOOO T’AS SNAKE LE TRUC TROP RETRO !



(VA. MOURIR.)

Et je te garde pour la fin LE commentaire que j’entends À CHAQUE FOIS que j’écris un SMS devant quelqu’un :

- Oh là là un clavier T9, sans mentir je sais même plus comment ça s’utilise !




STOP. 

ALLEZ TOUS VOUS FAIRE FOUTRE. 

ALLEZ VOUS FAIRE ENCULER PAR VOS IPHONES SURDIMENSIONNÉS ET LÂCHEZ-MOI LA GRAPPE.

Mais bon, même si mon Nokia « vintage » a ses avantages (aucun risque de me le faire voler, aucun dépassement de forfait, impossible de casser l’écran, une batterie qui tient des jours), j’avoue que c’est moyennement pratique de devoir me trimballer un téléphone ET un appareil photo ET un lecteur MP3, quand je pourrais avoir un smartphone qui fait tout ça.

Le problème, c’est que ce truc refuse de crever !

Je pensais que je l’aurais à l’usure avec la batterie qui me lâcherait, mais elle met CINQ JOURS à se décharger !  Après HUIT ANS d’utilisation !


Alors quand tu vois que j’arrive pas à remplacer un téléphone manifestement obsolète juste parce qu’il marche encore, je pense que tu peux t’imaginer ma réaction quand Flaxou a suggéré que je change mon ordinateur vieux de quatre ans.

Mais ensuite, comme à son habitude, il m’a offert des très bons jeux vidéo et il a ruiné ma vie.

Comme ça le peinait de me voir recommencer des nouvelles parties de Skyrim tout le temps, il m’a dit « Eh, t’aimes bien Bethesda, t’aimes bien le post-apo, hop cadeau ! » et il m’a offert Fallout :New Vegas. Et quand j’ai commencé à me lasser, il m’a dit « Eh, t’aimes bien les jeux de rôle médiévaux, t’aimes bien la Pologne, hop cadeau ! », et il m’a offert The Witcher.

Et j’étais heureuse, et j’avais pas de vie sociale, et tout allait bien.

Sauf que.

- Eh, je sais que j’ai pas encore fini The Witcher, mais tu penses que je peux déjà commencer à jouer à The Witcher III ?
- Ben, sur ton PC… il peut pas tourner.
- QUOI ??!

Et juste quand je m’étais faite à l’idée :

- Ah mais il sort bientôt le nouveau Fallout, c’est cool !
- Cha… sur ton PC…il peut pas tourner.
- QUOI ??!

Et là, j’ai eu un doute horrible :

- Mais alors… le prochain Elder Scrolls…
- ……
- NOOOOOOOOOOON !

Je me voyais donc confrontée à une impasse morale : me débarrasser d’un PC qui marche encore parfaitement bien, ou en acheter un tout neuf juste pour pouvoir jouer à deux jeux (éventuellement trois, vers 2016-2017).

(Sachant que ma technique habituelle d’attendre l’upgrade de Flaxou ne fonctionne pas, puisque sa machine du moment a encore deux bonnes années devant elle.)

(Et j’ai déjà été à la traîne en 2011 avec toutes les blagues de flèche dans le genou, je me taperai pas ça une seconde fois.)

Alors j’ai franchi le pas.


J’ai cédé à l’appel des sirènes.


J’ai dit « Vas-y, Flaxou, achète-moi un PC neuf pour Noël. »


(Ma vie est un enfer.)

En revanche, tandis que je me débats dans mes tourments, rongée par la culpabilité (Et l’environnement ? Et le fait que je participe au développement de l’obsolescence programmée ? Et si ma mère apprend que je joue aux jeux vidéo au lieu de lire des livres ??), Flaxou, lui, est content comme cochon : comme le nouveau PC va coûter cher, il a le droit de s’acheter un cadeau à valeur équivalente, ce qui veut dire WESH WESH LA CARTE GRAPHIQUE ULTRA HAUTE DEF.

Bref, tout ça pour dire : je suis une misérable. Je suis un mouton de Panurge.

Mais je suis surtout GERALT EN HD BITCHES.




(Woouuuh !)


PS : Je me suis dit que j’allais répondre tout de suite aux gens qui me suggéreront de m’acheter une console parce que ça coûte moins cher qu’un PC super performant : Flaxou m’a juré sur Odin et Thor que le jour où je me paierai une console, il se paiera un avocat. (Pour le divorce.) (Pas un avocat le fruit.) (Ce serait moins dramatique.) (En plus on déteste tous les deux les avocats.) (Le fruit, cette-fois-ci.) (BREF : il ne peut pas y avoir de consoles dans la maison de Professeur-Flaxou-j’aime-les-pécés.)

Allez, à dans huit mois quand j'aurai passé 500 heures sur chaque jeu.

Tchao les p'tits loups!