samedi 18 juin 2016

L'Instant Kiwi: les transports, volume II


(Les routes néo-zélandaises, ou le règne du "on s'en balek")

Oui, oui, je sais, j'ai déjà beaucoup parlé des transports en Nouvelle-Zélande.

Si tu suis ce blog depuis un moment (et je pense que c'est le cas) (à chaque fois je précise "si t'es nouveau sur ce blog bla bla" mais en fait j'ai l'impression que vous êtes les mêmes 30 gus à me lire depuis dix ans) (c'est un peu chelou mais honnêtement je préfère, ça m'évite de devoir me répéter) BREF donc, tu sais déjà qu'en Nouvelle-Zélande on conduit à gauche, que les transports en commun sont inexistants, et que les flics sont rares.

Mais il y a encore des choses que tu ne sais pas sur les transports au pays du long nuage blanc. 

Par exemple, est-ce que tu savais qu'on avait un train?


Et je ne parle pas du petit réseau ferré type RER qui tente péniblement de relier trois bouts de banlieues au centre-ville d'Auckland.


Eh nan, ma couille, le VRAI train! La voie ferrée légitime, qui traverse le pays entier et tout!


Tiens, regarde cette pub et dis-moi si ça te donne pas envie:



Ah, ça a plus la classe que les pubs françaises pour la carte kiwi, c'est sûr.

(Par contre ce que j'adore avec cette pub, c'est qu'on te vend les paysages avant tout, mais quand tu regardes les passagers, ils font TOUT sauf ça.)

(Les mecs ils lisent des livres, ils jouent aux échecs, ils font des mots croisés, mais y'a pas un pékin pour regarder par la fenêtre.)

(Tu me diras, ça résume bien le Kiwi moyen.)

("Nan les paysages on s'en branle, réveille-moi quand on voit un phare.")

Donc oui, j'avoue, le transport ferré en Nouvelle-Zélande est plutôt stylé.

Après, on n'a qu'une seule voie, entre Auckland et Wellington, il n'y a que quatre gares sur toute la ligne (sur 700 bornes, quand même), et les trains ne roulent que trois jours par semaine.


Si si, vraiment. Si tu veux prendre le train d'Auckland à Hamilton un mardi, par exemple, ben tu peux pas. Faut y aller soit lundi, soit attendre jeudi. 




(NIQUE SA REINE LA LOGIQUE.)

(Ah oui et puis y'a qu'un seul train par jour, hein. Au cas où tu te poserais la question.)

Donc tu comprends un peu pourquoi le train, c'est pas encore trop développé dans les mentalités des Néo-Zélandais comme une option de transport viable.

Surtout que là, tu pourrais faire l'erreur de te dire "Ah ouais c'est pas commode, mais bon, c'est pratique le train quand même, ça va plus vite que la voiture et c'est moins cher que l'avion."

Sauf que NON et RE-NON.


Parce que le train en Nouvelle-Zélande échoue sur ces DEUX points.


Déjà, il est plus lent qu'une tortue sous Tranxène. Sans déconner.

En voiture, tu fais Auckland-Wellington en huit heures. Allez pour être généreux, on va dire neuf heures, en comptant des pauses pour faire pipi et le plein d'essence, et éventuellement neuf heures et demie si jamais tu te mets en route à l'heure de pointe et que ça bouchonne un peu pour sortir du centre-ville.

Mais même en comptant large, le train reste quand même plus lent! Le truc met DIX HEURES TRENTE à faire Auckland-Wellington! Alors qu'il gratte facile cent kilomètres au trajet en voiture!



(Maintenant je comprends mieux pourquoi y'a qu'un seul train par jour. C'est parce que le trajet te PREND une journée complète!)

Alors bon, on va dire qu'il reste le côté pratique. C'est vrai que c'est pénible de rouler neuf heures d'affilée, c'est fatigant, en plus tu uses ta voiture et tu crames plein de thunes en essence. J'avoue qu'on pourrait être tenté de se dire "Bon, on prend le train, ça nous coûte deux heures de plus, mais au moins on peut passer le trajet zen à regarder les jolis paysages."

OUI.


ON POURRAIT ETRE TENTÉ.


SI ON N'AVAIT PAS L'OPTION DE PRENDRE L'AVION ET D’ÊTRE A WELLINGTON EN QUARANTE-CINQ MINUTES.


(Après, ouais, c'est sûr, t'as moins le temps de regarder les paysages.)

(Mais dans l'avion ils ont un quiz Trivial Pursuit et ils te donnent un cookie, laisse tomber, mon choix est fait.)

(En plus, comme c'est des vols intérieurs, ils font pas chier du tout sur les contrôles: tu te pointes à l'aéroport 20 minutes avant ton vol, tu passes un détecteur de métaux, et c'est marre. T'as même pas à présenter de pièce d'identité.)

(En revanche, quand t'arrives d'un vol international, tu passes QUATRE contrôles des passeports, on te passe la valise aux rayons X, et on prélève la terre de tes chaussures, mais bon, je m'égare.)

Donc, je récapitule avec un exemple pour te donner une idée de la chose: mettons que Flaxou et moi on veut aller à Wellington pendant un long week-end du vendredi au dimanche, et faire des câlins à des pandas roux. Voici nos options:

Option 1: Voiture. 
Temps de trajet: 18 heures aller-retour. Temps sur place: un jour et demi. Coût du voyage: 200 dollars (soit un peu moins de 4 pleins d'essence).

Option 2: Avion. 
Temps de trajet: 2 heures aller-retour. Temps sur place: trois jours. Coût du voyage: 260 dollars.

Option 3: Train. 
Temps de voyage: 22 heures aller-retour. Temps sur place: une nuit (parce qu'on a dû partir le samedi, vu qu'il n'y a pas de trains le vendredi). Coût du voyage: 320 dollars.



Ça n'a aucun sens!

Le train est l'option de trajet la plus longue ET la plus chère!! Mais QUI aurait envie de se faire enculer de manière aussi monumentale??!

Imagine nous dans nos pays civilisés on ferait des conneries pareilles!

- Un ticket Paris-Strasbourg? Oui bien sûr, alors j'ai samedi à 7h45 du matin, ou sinon, j'ai le jeudi d'après. Vous y serez en onze petites heures. Ça fera mille euros, s'il vous plaît.

(Ne te plains plus JAMAIS de ton TGV en retard.)

Alors oui, okay, il paraît que les paysages sont sublimes bla bla bla mais MEC c'est la Nouvelle-Zélande, c'est sublime partout où tu vas, et au moins les autoroutes ne requièrent pas un fist-fucking.

(Même pas de péage, c'est dire.)

Du coup, c'est peut-être plus facile pour toi de comprendre pourquoi les Néo-Zélandais sont très attachés à leur voiture – c'est parce qu'en fait, s'ils veulent se déplacer quelque part, c'est grosso modo leur seule option.

(Même quand tu prends l'avion pour aller dans une autre ville, tu dois souvent louer une voiture une fois sur place.)

Alors, disons-le tout de suite comme ça ce sera fait, les Kiwis ne sont pas des as du volant. C'est paradoxal parce qu'ils passent quand même beaucoup de temps au volant, mais c'est un peu des quiches en conduite – principalement parce que les règles de conduite sont faites pour des gros cakes.

A l'époque où j'ai passé le permis, je m'étais déjà fait la réflexion que c'était pas super juste, comme méthode, parce que selon la densité d'urbanisation, ça rend les choses beaucoup plus faciles ou beaucoup plus difficiles.

Moi qui ai réussi l'examen à Colmar, ville de taille moyenne pas trop chiante, je peux t'assurer que je l'aurais raté au moins trois fois si j'avais dû le passer à Strasbourg, cauchemar de tous les automobilistes. (Y'a trente cyclistes au mètre carré et des sens uniques partout, et tous les parkings sont des créneaux – A DROITE.)

Mais alors en Nouvelle-Zélande, c'est presque trop facile, les gars.

Même à Auckland, ville de un million et demi d'habitants, et d'un million d'automobilistes (au bas mot), je t'aurais passé le permis en deux semaines, cousin.

Déjà y'a que des boîtes automatiques, donc tu galères vachement moins avec la phase d'apprentissage de gestion de l'embrayage. Ensuite y'a genre UN rond-point dans toute la ville. Et puis comme y'a de la place partout, les rues sont assez larges pour faire passer des tanks soviétiques, et tous les parkings sont en bataille.

(Une fois, à Onehunga, j'ai vu un parking en épi, eh ben les gens étaient tellement chamboulés par le concept qu'ils ont collectivement ignoré les lignes et se sont garés bien sagement en bataille les uns à côté des autres.)

Et même les carrefours sont faits pour les neuneus, genre tu sais le truc chiant en France où tu veux tourner à droite mais tu dois céder la priorité aux piétons qui traversent et aux voitures qui viennent en face? Eh ben ici ça existe pas. Ici y'a un feu séparé pour les piétons, un feu séparé pour les gens qui tournent, et un feu séparé pour les gens qui vont tout droit. Du coup, tu te poses pas de questions, quand c'est vert, tu roules, t'as rien à calculer.

(Par contre, après, on passe mille ans à attendre à chaque intersection que ce soit notre tour d'y aller.)

(Mais il faut ce qu'il faut, ma petite dame.)

Bref, du coup, les Kiwis ont tendance à faire un peu du YOLO avec les ronds-points (hashtag #lesclignotantscestpourlesfaibles) et à paniquer du slip dans toutes les rues où on peut se garer des deux côtés (en mode "Han mon dieu y'a juste la place pour un paquebot, on passera jamais avec notre Ford Escort".)


MAIS (et je le mets en majuscules parce que c'est un grand mais), les Néo-Zélandais ont beau être des quiches du volant, je les aime quand même d'amour, parce que les c'est automobilistes les plus SYMPA de l'univers.

Je t'ai oncques narré l'histoire comme quoi un Kiwi ne klaxonne jamais (ce qui est déjà un concept assez difficile à concevoir pour tout Français vivant plus au Sud que Lyon, où le klaxon est moins un avertissement qu'une sorte de ponctuation).

Et je pourrais te raconter beaucoup d'histoires sur le courtoisie des Néo-Zélandais, mais je pense que ce qui résume le mieux leur état d'esprit au volant, c'est ces deux signaux:

En Nouvelle-Zélande, les appels de phare veulent dire "après vous". 

Et les warnings veulent dire "merci". 


Je vous laisse méditer une minute là-dessus.


Petit manuel d'utilisation pour ceux qui voudraient voyager en Nouvelle-Zélande: tu arrives à une intersection, et tu te dis "Ah merde, ils roulent à gauche dans ce pays de dégénérés, c'est quoi les règles de priorité ici?"

La réponse est : Y'A PAS DE RÈGLES!


(En fait si, y'en a, mais personne ne les suit.)

A la place, ici, on raisonne à la logique (la grosse route a priorité sur la petite route/ la route encombrée a priorité sur la route vide) et à la politesse. Exemple:



Mettons que la voiture bleue va tout droit, et que la voiture jaune veut tourner à droite.

Si tu es la voiture bleue, tu as le choix de passer sans ralentir (si tu es le plus grand enfoiré de l'univers et du multivers réunis) OU BIEN tu peux t'arrêter et faire un appel de phares à la voiture jaune pour la laisser passer devant toi, comme une personne normale et civilisée.

Et si tu es la voiture jaune, tu peux passer devant (si tu es un ingrat doublé d'un fils de pute) OU BIEN tu peux passer, puis faire clignoter tes warnings une à deux fois pour dire "merci de m'avoir laissé passer" à la voiture derrière toi. 

(D'ailleurs, si tu observes cette politesse, tu peux même gagner un petit "coucou/de rien" de la main par la personne qui t'a laissé passer.) 

(Les politesses ne s'arrêtent JAMAIS.)

Du coup, forcément, pour l'Européen moyen – habitué à utiliser les appels de phare pour dire "oh tu la bouges ta caisse connard" et les warnings pour dire "oui je suis garé comme un trouduc mais promis je reste pas longtemps je vais juste chercher le pain"y'a un certain temps d'adaptation où tu penses que tout le monde sur la route est devenu fou.

("Mais pourquoi il met les warnings ce débile, ça ralentit pas devant!")

("Mais pourquoi il me fait des appels de phares cet enfoiré, j'ai rien fait!")

Alors j'ai décidé de briefer toutes les personnes qui veulent venir me rendre visite, en leur expliquant les règles de politesse au volant de ce beau pays qu'est Aotearoa.

(Non parce qu'après ça va encore être les Français qui sont malpolis et tout.)

(Y'en a marre de cette image de merde qu'on se trimballe.)

Voilà, maintenant t'es prévenu: si tu prends la route en Nouvelle-Zélande, prends 5 minutes pour trouver le bouton des warnings sur ta voiture de loc, parce que mon gars, tu vas devoir t'en servir.

(Le klaxon c'est pas la peine.)



(Même les vaches, ça les impressionne pas.)

1 commentaire:

  1. Ça faisait un petit moment que je ne t'avais pas lu et tu viens (de nouveau) d'égayer mon WE. Merci. Je suis particulièrement scotché pas cette pub pour le train... Ça donnerait presque envie... Bon, tu casses un peu le mythe, je suis pas sûr que tu puisses un jour postuler pour un poste de contrôleur. Aie, je sens que tu vas me dire qu'il n'y a pas de contrôleur...

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