dimanche 26 mars 2017

Une semaine à Niue, partie II


Résumé des aventures précédentes :

(Previously, on the blog)

Donc Flaxou et moi on était partis pour une semaine de rêve sous les tropiques, pour se faire accueillir au bout de trois jours par la pluie la plus intense qu’on avait jamais vue.


(Super.)

(Cela dit, ça avait quand même l’avantage non négligeable de faire taire les poules ET de calmer les assauts des moustiques.)

On a quand même bravé la pluie assez longtemps pour se rendre à l’office du tourisme et s’enquérir d’une amélioration éventuelle:

- Ah non, là c’est parti pour au moins trois ou quatre jours! En fait, je suis même surprise qu’il ait fait beau depuis que vous êtes arrivés. Trois jours de soleil à la chaîne, ça n’arrive pas souvent en cette saison.

Eh oui, car il y avait une raison pour laquelle les vols pour Niue sont si peu chers en février-mars.

Répète après moi ton cours de géographie de CE2: « Le climat tropical est chaud et humide en été, chaud et sec en hiver. »

Et vraiment, le mot a retenir est “humide”, parce que MANDIEU COMME IL A PLU.

Il a plu des tonneaux, des barils, des cordes, des chats et des chiens.

Il a plu comme pas permis jusqu’à notre dernier jour, mais tu crois que ça va nous décourager après quatre ans à vivre submergés sous les quinze tonnes de flotte de la Nouvelle-Zélande ? Que nenni !


(En plus il faisait trente degrés dehors, donc la pluie était chaude.)

(Et puis comme ça au moins ça lavait un peu l’odeur de transpi.)

Le seul problème pour Flaxou, c’est qu’avec la pluie sont aussi venus des vents violents de l’Ouest, et ça voulait dire adieu la plongée, puisque la mer ressemblait à ça :


(Accueillant)

Du coup, comme il avait pas trop envie de mourir déchiqueté sur des coraux coupants, on a décidé de se rabattre sur des activités d’exploration de l’île.

C’est ainsi qu’on a découvert des endroits assez sympathiques, comme le Togo Chasm, qui nous promettait « de l’aventure et du frisson ».

Du frisson, j’en ai eu dès les premières minutes de marche dans la jungle, vu qu’elle était bourrée à craquer de huit millions de grosses araignées (qui en plus avaient toutes tendues leurs toiles pile en travers du chemin).


(Paye ton pays sans oiseaux.)

Et puis on a débouché hors de la forêt et sur le bord de mer, et c’était l’Emyn Muil.


Sans déconner, c’est pas juste mon imagination fertile, on est d’accord que c’est carrément super à fond l’Emyn Muil ?


Evidemment, j’étais aux anges, mais la suite de la balade nous réservait d’autres surprises – entre autres, un chemin qui finit par une échelle super glissante et raide, pour arriver sur une petite plage plutôt glauque :




J’ai notamment commencé à travailler un peu du ciboulot en avisant les nombreux restes de petits crustacés qui jonchaient le sol :

- Tu sais à quoi ça ressemble ?
- Non.
- A tous les films où le héros tombe sur des squelettes de petits animaux, avant d’arriver pile dans la tanière du monstre.
- Tu sais que c’est probablement juste un gros crabe qui a mangé les petits crabes?
- Mais un crabe gros COMMENT ?

 J’étais pas beaucoup plus rassurée en voyant les cicatrices sur les troncs des cocotiers :


- Tu penses que c’est quoi qui a fait ces entailles ?
- Surement des haches, ou des couteaux.
- Ou des PINCES DE CRABE GÉANT !
- Oye.

A partir de là, c’était fini.

- C’est joli cette petite gorge, tu trouves pas Cha ? Tranquille… A l’abri des regards…
- Aucune habitation à des kilomètres…
- Personne pour venir nous déranger….
- Pendant qu’on se fait DÉVORER VIVANTS !


(M’est avis que Flaxou avait d’autres idées en tête.)

Et puis il a commencé à pleuvoir des trombes et on est repartis se réfugier sous le couvert des arbres (et des araignées).

- Mais réfléchis, Cha ! S’il y avait vraiment un crabe géant mangeur d’hommes, pourquoi est-ce que l’office du tourisme nous enverrait juste sur son territoire ?
- EN SACRIFICE, FLA ! MON DIEU, T’AS JAMAIS LU UN CHAIR DE POULE ?!

(Je te jure, ce raisonnement de débutant.)

Parce que oui, les crabes a Niue, parlons-en.

Ils s’appellent ‘uga’ en niuéen, et ‘coconut crab’ en anglais, et c’est des trucs assez intéressants.

Les uga naissent dans l’océan, et commencent leur vie sur la plage. Comme leur carapace est molle et fragile, ils utilisent des coquillages pour se protéger (comme des bernard-l’hermite).


(Un bébé uga)

Puis ils migrent doucement de la plage vers la jungle, et au bout de quelques années, ils abandonnent leur coquillage pour une très jolie carapace chamarrée.



(Et presque chaque crabe a sa propre couleur !)

Les uga mangent principalement des noix de coco (d’où leur nom anglais) mais aussi des fruits, des insectes, des lézards, ou d’autres crabes. Ils sont très doués pour grimper aux cocotiers  parce qu’ils ramassent les noix de coco tombées au sol, et les hissent en haut de l’arbre pour les laisser tomber et briser la coque. Par contre, désolée du faux espoir, mais ce n’est pas eux qui sont responsables des cicatrices sur les arbres.

(Les marques viennent des habitants de l’ile qui, dans le temps, plantaient leur machette sur un tronc pour la retrouver facilement.) (Ca ne se fait plus aujourd’hui parce que le respect n’est pas mort et c’est cool.)

Les uga peuvent vivre jusqu’à 60 ans, et peser jusqu’à 5 kilos – autant te dire qu’on était moyennement rassurés quand on tombait dessus dans la forêt.

(En réalité, c’est eux qui devraient pas être rassurés – il parait que l’uga est délicieux.)

(On n’en a pas mangé parce que c’était la période de reproduction, donc c’est interdit de les chasser.)

Après, on ne les croisait qu'assez rarement, vu qu'ils sortent surtout la nuit. Là où on a rigolé, c'est quand on a fait la visite d'une ferme (oui ben on s'occupe comme on peut quand il pleut, hein) et que le guide nous a dit:

- Là c'est ma parcelle qui est juste en bordure de la forêt, alors je laisse des noix de coco ouvertes comme appâts, comme ça je viens récolter mes fruits et légumes, et le dîner en même temps!
- On va voir des crabes, alors?
- Ah non, c'est pas la saison, alors j'ai pas d'appâts. Mais si vous voulez en voir, je vais vous en trouver!

Puis il est parti dans la jungle en nous laissant debout au milieu des bananes, et il est revenu deux minutes plus tard en disant:

- Bon, celui-là est pas très gros, mais ça vous donne une idée!



OUI CA NOUS DONNE UNE BONNE IDÉE OUI JEAN-MI.

On a d'ailleurs pas mal aimé la visite de la ferme, puisque le gars s'arrêtait tous les trois mètres pour nous faire goûter tout ce qu'il faisait pousser:


- Là j'ai des papayes, vous aimez la papaye?
- Heu, ouais, un peu.
- Bon alors j'en cueille trois, une chacun.
- Okay!
- Et là j'ai des pastèques, vous aimez la pastèque?
- Ouais!
- Bon alors j'en cueille deux-trois aussi.
- Mais ça fait beaucoup quand mê...
- Vous aimez la noix de coco?


(Okay, ben noix de coco pour tout le monde alors)

Et c'était super cool parce qu'on a mangé des tonnes de fruits pendant que le mec nous expliquait sa manière de cultiver plutôt ingénieuse:

- Comme il n'y a pas assez d'humus partout, je laisse des terres en friche plusieurs années, et régulièrement, je viens couper tout ce qui pousse et je laisse les plantes pourrir pour former une couche fertile. 
- Et après, vous plantez quoi?
- Oh ben ce que j'ai sous la main. Tiens, ceux qui ne veulent plus de leur pastèque, jetez-là ici, ça fera une nouvelle plante.
- Mais vous avez des bananes ici!
- Oui, ben comme ça j'aurai des bananes et une pastèque.

(Attends que j'aille raconter à ma mamie que le mec il mélange les cultures dans la même parcelle.)

- Là j'ai mis du manioc et du taro, et au supermarché ils avaient une promo sur les oignons, alors j'ai planté des germes d'oignon. Tu vois, tu marches dessus.
- Oh pardon!
- Non, c'est bien! Chez moi on dit qu'il faut toujours marcher un peu sur les plantes, comme ça après elles sont furieuses contre toi et la rage les fait pousser plus vite.


(Egalement un truc que je vais devoir expliquer à ma mamie quand je piétinerai ses fraisiers.)

Bref, c'était hyper cool, on a appris plein de choses sur l'agriculture de Niue – notamment le fait que les cultures ici sont 50% vanille, 50% taro, et que si y'avait pas des cocotiers tous les mètres carrés ce serait 100% noix de coco, parce que sérieusement les gens ADORENT la noix de coco dans ce pays.


(Les Niuéns, une illustration.)

Elle est moins utilisée aujourd'hui, mais avant la démocratisation des avions et des importations, les habitants de Niue (et de toutes les îles du Pacifique) utilisent la noix de coco pour TOUT: les fibres pour tisser, la chair à manger, l'eau à boire, et la coquille comme récipients.

Et la noix de coco était d'autant plus vitale à Niue que l'île n'a aucune rivière – il y a de l'eau douce en réserve sous terre, mais il n'y avait que deux points d'eau douce à découvert sur toute l'île, et on est descendus en voir un et on a galéré même avec nos chaussures de marche:


(Vue d'en bas vers le chemin qu'il faut remonter pieds nus, chargés d'eau)

Du coup, la plupart du temps, les gens buvaient juste de l'eau de coco en complément du peu d'eau douce qu'ils pouvaient ramener tous les jours.

(Et une noix de coco, ça contient PLEIN d'eau, en fait!)


(Et elle est super bonne et sucrée et elle a pas le goût de noix de coco du tout!)

Bref, on est repartis de cette visite ravis et repus, et même avec du rab:

- Vous logez où?
- Avatele.
- Ah, vous êtes chez Ozwin! 


(On commence à avoir l'habitude.)

Et le mec de nous amener un sachet plein de taro et de bananes plantain, et nous disant:

- Vous prenez une moitié pour vous, et vous lui donnez l'autre.

Autant dire qu'on a festoyé pendant deux jours avec Ozwin.

Parce que le reste du temps, il faut avouer que c'était pas trop la fête niveau culinaire.

Tu te rappelles quand j'avais dit qu'on était arrivés hors saison touristique? 

Et la fois où j'ai dit que 95% des produits de l'île étaient importés?

Résultat: il y avait deux restaurants d'ouverts, et ils étaient MEGA CHER.

Donc pour pas casser le PEL, on a passé la semaine à manger des trucs pas cher qu'on pouvait faire dans notre kitchenette, alias: des trucs dégueu et bourrés de sel et de conservateurs.


(Moi devant mon dîner de raviolis en boîte.)

Et après quelques jours de poulet en conserve et de macaronis au micro-ondes, j'ai mis le holà en disant gentiment à Fla:

- BORDEL DE MERDE ON EST EN VACANCES SUR UNE ÎLE ET JE VAIS ALLER MANGER DU PUTAIN DE POISSON MAINTENANT OKAY?

On a donc atterri chez Kai Ika, parce que le nom me semblait un bon présage (kai = manger, ika = poisson) malgré le panneau devant qui disait "Sushi and New York style pizza" et qui nous a pas mal intrigués, parce que des sushi avec de la pizza, sérieusement?

En fait, comme on l'a appris plus tard du patron (qui est venu taper la discute parce qu'on était les seuls clients), le restaurant est le fruit d'une collaboration entre lui-même (un expat Israélien qui a une petite entreprise de pêche) et le chef (un expat Japonais et diplômé d'une école de sushi de Tokyo). Le patron ramène du poisson frais tous les jours, et le chef prépare des TUERIES de sushi avec.

- Et la pizza, dans tout ça?
- Ah ben ça c'est parce qu'il faut bien faire du chiffre. Vous savez, sur une petite île comme ça, on ne peut pas se permettre d'offrir seulement du poisson cru.
- Et qui la prépare?
- C'est moi, j'ai vécu à New York et j'ai bossé dans pas mal de pizzerias. Vous voulez goûter ma pizza à l'opah? 

(Spoiler alert: la pizza à l'opah c'est super bon.)

Bref bref.

Le reste du séjour s'est passé plutôt pépère, entre l'exploration du reste de l'île pendant les (rares) moments de soleil:



Et le visionnage de séries/lecture avec chats le reste du temps:


(BONHEUR TOTAL)

Mais toutes les bonnes choses (et au bout du compte notre argent) ont une fin, et c'était finalement le moment du départ:

- Merci pour tout, Ozwin. A qui est-ce qu'on donne la voiture, une fois à l'aéroport?
- Oh, ben laissez-là juste sur le parking avec les clefs sur le contact.


(Ce pays, mais sérieusement.)

On a aussi eu notre dose de dépaysement finale quand on est arrivés pour l'enregistrement et que les agents de sécurité ont ECRIT NOTRE BILLET A LA MAIN:


(Avé la faute d'orthographe dans mon nom de famille, mais à ce stade je pense qu'on s'en bat définitivement les couilles de toute façon.)

Bref, c'était notre semaine à Niue, c'était super duper, et j'espère que ça t'a plu autant qu'à moi!

(En vrai ça se peut pas.)

(Personne ne peut surpasser la hype de TROIS CHATS ET UN LIVRE.)

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